Le port du Loiron


Le port du Loiron vers 1965. Source famille

Une petite anse naturelle…

Loiron est un lieu-dit situé entre les Coudrans et les Chirats. Son étymologie est inconnue, le lieu ne figure pas sur le cadastre de 1811 ni sur celui de 1848. Ce qui ne veut pas dire que le nom est récent.

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Le port du Loiron doit son existence à l’érosion inéluctable qu’a subi un autre havre situé un peu plus à l’est : le port Vinaigre.

Sur le cadastre de 1811, l’emplacement du port Vinaigre est indiqué, aujourd’hui en face de la cale de la Chaume au bout de la rue de la Mer. Image AD17
Sur cette carte plus récente de l’Etat Major (période de 1820 à 1866), l’emplacement du port Vinaigre au bout d’un chemin plus au sud. Aujourd’hui, il serait situé à 170 mètres au sud de la cale de la Chaume. La rue de la Mer n’est plus dessinée, c’est étrange. Image IGN Géoportail

… mais à la protection insuffisante

L’anse de Loiron est protégée des vents du nord-ouest. Quelques marins décident de s’y installer dans le troisième quart du XIXᵉ siècle. L’endroit est propice au stationnement des bateaux, car il n’y a pas trop de rochers. Malheureusement, les embarcations ne sont pas à l’abri des vents soufflants du sud, voire sud-ouest. En 1892, ils engagent des démarches auprès du conseil municipal pour la construction d’une digue de protection efficace.

Sur cette carte de 1950, le lieu-dit Loiron, entre la Manon et la pointe des Chirats. Image IGN

Le projet d’un môle abri

La pétition des marins est entendue par le conseil municipal. Il partage leur cause et adresse le projet aux services des travaux maritimes de l’État.
Ils n’avaient pas attendu le concours de l’administration pour se protéger des tempêtes, en tentant, tant bien que mal, l’édification autorisée d’une jetée en grosses pierres ramassées ici et là. Mais, elle n’avait jamais donné pleine satisfaction, car trop petite et trop courte (35 mètres). Ce travail est colossal, il faut donc franchir une étape : financer par les autorités un vrai môle abri et le construire sur la jetée existante par une entreprise compétente.

Le financement et la construction

Le 1ᵉʳ septembre 1892, Etienne Coustolle et son chef, Albert Thurninger, ingénieurs des services des travaux maritimes des Ponts et Chaussées, présentent un plan de construction de 45,50 mètres de longueur et de 5,80 mètres de hauteur (par rapport au niveau 0 des cartes). Son coût est chiffré au maximum à 1 200 francs (environ 5 000 euros de 2021, quelle belle époque !).

Plan de la cote d’Angoulins, Ponts et Chaussées, 1er septembre 1892. Source AD17
Plan du môle abri, Ponts et Chaussées, 1er septembre 1892. Source AD17

Dans la foulée, la Préfecture autorise le projet. Rapidement, une subvention de l’État est acquise pour un tiers, soit 400 francs. La maîtrise d’œuvre est assurée par l’administration, à condition que la commune et les utilisateurs du port s’entendent sur un financement commun et qu’un budget d’entretien soit voté chaque année par le conseil municipal.

En mai 1894, le conseil municipal vote une subvention de 400 francs. Après une concertation avec les élus, les marins acceptent de participer à hauteur de 200 francs. Le conseil municipal, considérant que le projet concerne quelques intéressés, doute d’un réel intérêt général. Il trouve la somme insuffisante et demande qu’elle soit portée à un tiers du coût, soit 400 francs.

Mettant en avant l’intérêt présent et futur de l’ouvrage pour la commune, ils maintiennent leur part aux 200 francs proposés. Conscients que cette position pourrait mettre à mal le projet, ils proposent de raccourcir la longueur de l’ouvrage. Mais, petit problème, ils ont eux-mêmes convenu avec l’ingénieur que la longueur initiale optimale ne pourrait pas être en deçà des 45,50 mètres projetés. Sensibles aux arguments présentés par les marins, les services des travaux maritimes proposent au ministère de porter sa subvention à 600 francs, malheureusement sans suite et le dossier n’avance plus.

En 1894, la participation de 400 francs exigée par la commune devient réalité grâce au succès d’une souscription organisée par les marins auprès de la population d’Angoulins. Ouf !
Le 15 mars 1895, le dossier est complet. Le ministère donne son accord le 10 juin 1896. Deux semaines plus tard, un ordre de service pour exécuter les travaux est adressé à l’entreprise Privat frères, déjà en charge des travaux d’entretien du port de La Rochelle. Des spécialistes !

À partir de juin 1896 et pendant 10 mois environ, les « frangins » vont brasser 400 mètres cubes de moellons et autres grosses pierres récupérés au plus près de la construction pour édifier le môle (dont 100 m³ de la digue primitive des marins). Celui-ci est réceptionné officiellement par les autorités le jeudi 29 avril 1897.

Procès-verbal de réception du môle abri en date du 29 avril 1897. Source AD17
La nouvelle digue protège bien de la houle d’ouest. Source famille
Un nouveau lieu à découvrir pour les promeneurs !
Les gros rochers à gauche ont subi une forte érosion, fini le temps où ils servaient de plongeoir aux intrépides ! Source famille
La digue aujourd’hui. La partie supérieure a été bétonnée, une cale construite vers 1995 permet de descendre dans l’eau. Présente depuis l’origine, la balise n’a pas toujours existé. Photo personnelle

Les cabanes du port

Jusqu’aux années 1960, les petites cabanes du port étaient dédiées au travail des pêcheurs et des ostréiculteurs, souvent des femmes pour le détassage, le transport en sacs et la vente. Le port sert de point de départ pour aller ramasser les huîtres sur le platin (sol découvert à marée basse). Suivant la période de l’année, la commune autorise cette activité afin de préserver les ressources.

Dans les années 1920, les propriétaires de l’Hôtel des Charentes, Rose et Jacques Lecatre, possédaient une maison et une buvette au port du Loiron.

Une cabane de pêcheurs d’huîtres. Source famille
De plus près, la même cabane apparemment agrandie. Le toit est en rouche, une espèce de roseau des marais. Les Rouché ou Roucher d’Angoulins ont-ils été des coupeurs de rouche ? C’est fort probable. Source famille
Le travail de détassage (séparation) des huîtres au port du Loiron. Les gros sacs sont prêts pour le transport et la vente. Source famille

Dans les années 1960, la construction d’un petit quai de protection au pied des cabanes a été financée par monsieur Jean Guionnet (1914-2016), propriétaire de la maison au-dessus du port.

Malheureusement, certaines ont disparu sous l’effet des grosses tempêtes (1999, 2010). Aujourd’hui, ces cabanes rénovées, bien entretenues avec leurs ouvertures colorées, appartiennent à des particuliers et une à la mairie. Construites sur le domaine public maritime, elles sont concédées moyennant le paiement d’une redevance d’amodiation, versée chaque année au budget communal. Une association, l’UAPL, veille à la préservation de ce patrimoine et y organise des évènements festifs.

Un « p’tit » coin de paradis

Ce port a pour moi une saveur particulière. C’est ici que j’ai appris à nager dans les années 1970. Sa vocation première n’a pas changé, celle de protéger les bateaux, aujourd’hui de plaisance et de pêche promenade.
Comme le disent les personnes rencontrées en ces lieux, « ici, c’est le paradis ! ». On ne peut pas leur donner tort, le port du Loiron est, en effet, un atout indéniable du charme d’Angoulins.


Le port en images, autrefois et aujourd’hui


Documentation
Merci à ma cousine Véronique pour les cartes postales
IGN Géoportail.
Archives départementales de La Rochelle : fonds 4S n° 3182, dossier consacré à la construction d’un môle abri à la pointe de Loiron à Angoulins.