Connaissez-vous la chaîne YouTube de Lorànt Deutsch, cette personnalité passionnée d’histoire ? Le concept : raconter en moins de 20 minutes celle d’une ville, de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Je vous propose d’en faire de même avec Angoulins, en texte (j’espère que l’idée de raconter en vidéo Angoulins ne sera pas reprise par Lorànt, enfin, il est le bienvenu quand même !)
Une occupation très ancienne
Différents sites d’Angoulins sont occupés depuis le néolithique, aux rochers des Chirats, à La Manon, au Pont de La Pierre, aux Cadelis, au Bas Rillon, au Pas des Eaux, à La Cabane Brûlée et à la Pointe du Chay.
ℹ️ Pour situer ces lieux d’Angoulins : Quartiers et rues
Signes d’une présence : des gisements de silex, grattoirs et pointes de flèches, plus près de nous des fossés d’enclos, fragments de murs, tuiles… Cerise sur le gâteau, un os de dinosaure a été découvert au Chay. Et, deux sites de production de sel protohistorique.
La pointe du Chay était une presqu’île, il y a fort longtemps. Le bras de mer entre celle-ci et le continent formait une zone de marécages, des trous d’eau nommés « golènes » (note en bas de page), terme gaulois qui donnerait son nom à Angoulins. Cette zone entre la pointe du Chay et celle des Chirats s’est progressivement comblée par des sédiments (appelé bri) et au sud, l’engraissement en sable a donné naissance à la plage de la Platère (parfois écrit Platerre).
Cependant, dans un livre traitant de l’origine des noms de village de Charente-Maritime, les auteurs suggèrent deux autres explications à la dénomination d’Angoulins : la première, une ancienne expression « in-gole » (goule en charentais) signifiant « dans l’ouverture, dans le golfe », ici le golfe de Saintonge qui, au premier millénaire, était bien plus profond qu’aujourd’hui. Seconde explication, Angoulins tiendrait son nom d’une ancienne villa appartenant à un certain Anglenus ou Angolenus, nom germanique latinisé d’un colonisateur de cette période (Goth, Franc, Germain, voire Gallo-romain). Tout se tient, mais difficile de dire où se situe la vérité ! Les premières citations du nom apparaissent dans des actes de donations de marais salants : Ingolis en 928 et Engolins en 978.
Pour en revenir à notre pointe du Chay, celle-ci est connue pour ses fossiles, ses coquillages, ses oursins, plantes.
Elle est aujourd’hui une zone protégée. Jusqu’au port du Loiron, la falaise constitue des archives à ciel ouvert dont la renommée scientifique est attestée.
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Une activité intense au temps de la gaule romaine
Toujours en matière de découvertes, les chercheurs ont mis au jour des bouts de murs datés de cette époque. Des tessons de céramiques et des fragments de tuiles attestent de la présence d’un habitat et de nombreux ateliers (par exemple, tout près du port du Loiron). Des monnaies anciennes confirment une activité économique. Les marécages sont réaménagés en marais salants, l’exploitation du sel, très ancienne, devient importante et est source de richesse.
Deux églises, des chapelles et des seigneuries
Au IXᵉ siècle, Angoulins subit les invasions barbares. Les vikings dévastent la région, Angoulins et sa voisine Châtelaillon sont détruites en 844. Au même moment, des moines débarquent dans l’anse de Saint-Jean-des-Sables, au sud du village, avec une précieuse relique, la tête de Saint-Jean-Baptiste. Un miracle plus loin, une puissante abbaye voit le jour à Saint-Jean-d’Angély et une chapelle à Saint-Jean-des-Sables, aujourd’hui engloutie par l’océan.
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Au Xᵉ siècle, « Ingolis » est composé de deux quartiers, l’un maritime sur l’île Bazauges (ancienne seigneurie entre la pointe du Chay et le quartier de la Manon) où se tiennent l’église Saint-Nazaire et une vaste nécropole dont il ne reste plus rien, l’érosion ayant fait son œuvre. L’autre, terrestre, est le village que nous connaissons avec son église fortifiée Saint-Pierre-es-Liens (Xᵉ siècle), fortement remaniée à cause des guerres de religion. La chapelle Sainte-Radegonde (XIIᵉ siècle) est le troisième édifice religieux encore visible aujourd’hui. Elle dépendait du puissant prieuré Saint-Gilles de Surgères. Jusqu’au XIIᵉ siècle, le destin d’Angoulins est lié à celui de Châtelaillon, puissante baronnie et son château féodal.
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Au XIIᵉ siècle, les hospitaliers soignent les lépreux à la Maladrerie, lieu-dit proche de Saint-Jean-des-Sables.
Angoulins possède de nombreuses seigneuries (Jousseran, les Tourettes, les Pins, La Cave). La plus importante encore visible aujourd’hui, la ferme du Pont de la Pierre se dresse près d’un petit pont, un ancien péage, unique passage des chemins venant du bourg et de Salles-sur-Mer, via Cramahé, vers La Rochelle. Le domaine est anobli en 1523 par la baronnie de Châtelaillon. Pendant le siège de La Rochelle (1627-1628), Richelieu y installe son quartier général dans ce logis assez modeste.
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Au milieu du XVIIIᵉ siècle, le grand chemin de Rochefort à La Rochelle longe cette ferme. Louis XV décide de construire un réseau routier national. Vers 1760/1770, La Rochelle et Rochefort sont reliées par un nouveau chemin royal. La future RN137 est née, elle conditionnera la physionomie du bourg entre cette nouvelle voie et la côte.
Une autre ferme, les Veaux Verts, tout aussi importante, borde le bourg depuis 1620. Elle a appartenu à la bourgeoisie Rochelaise avant de rentrer dans le patrimoine d’une importante famille du village.
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À l’image du port de Plomb de l’Houmeau et ceux de l’île de Ré, le petit port d’Angoulins, situé au sud de la Pointe du Chay, fait office de relais à l’économie rochelaise pour l’importation et l’exportation des marchandises (le vin et le sel en majorité) vers l’Europe Septentrionale. Il s’agit souvent de simples appontements, mais cette aide est précieuse au développement de la région.
Plus tard, un autre port, le port Vinaigre, situé au sud du bourg, connaît un déclin inéluctable dû à l’érosion de l’océan. Finalement, les marins pêcheurs s’installent au port du Loiron dans les années 1870, bientôt protégés par un môle abri inauguré en 1897.
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De l’or blanc à l’huître
Deux sites protohistoriques de production de sel ont été découverts par des archéologues. Ici, à Angoulins, cet or blanc demeure plus que jamais une richesse. Les salines sont la propriété des seigneuries, des établissements religieux, quelques riches rochelais et d’autres qui le sont moins. Le sel sera taxé à partir du XIIIᵉ siècle : c’est la gabelle, qui donnera son surnom aux douaniers, les gabelous. Devant l’importance de la production, un bureau des Douanes est créé au plus près des salines. Cette maison, toute simple, existe toujours. Le déclin commence à partir de 1840 pour laisser la place à la culture de l’huître.
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Une vie pas toujours tranquille…
Vers 1811, Angoulins subit des attaques de la flotte anglaise. La garde nationale étant peu armée, le maire demande l’aide du sous-préfet de La Rochelle qui ne peut pas empêcher l’endommagement, voire la destruction des forts de protection (deux à la Pointe du Chay et un à la Motte Grenet). Le commerce maritime est très affecté par ce blocus.
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En 1811 et 1812, les récoltes céréalières sont catastrophiques. Les départements voisins sont également et particulièrement touchés. Ils comblent habituellement le déficit de production de notre département. Les Angoulinois connaissent alors une grave disette.
ℹ️ Lire aussi : la disette de 1811/1812
Malgré cela, le sel, le blé et la vigne, très étendue dans nos contrées, font vivre et prospérer le village. Malheureusement, à partir de 1872, le phylloxéra met un coup d’arrêt à la production du raisin. Les terres libérées permettent aux nombreuses fermes présentes sur le territoire d’accroître la production agricole, structurellement insuffisante dans notre département.
… mais un village en pleine expansion
En 1789, le village recense 180 feux. En 1806, la commune compte 514 habitants, 824 en 1856, 1084 en 1931, 2126 en 1968, 4151 en 2022 ! À noter qu’en 1824, Angoulins absorbe la commune de Châtelaillon, trop petite pour être gérée par elle-même.
En décembre 1873, la ligne ferroviaire entre La Rochelle et Rochefort est inaugurée. Le développement des petites industries locales et le tourisme sont accélérés. La station balnéaire de Châtelaillon connaît alors un essor fulgurant et retrouve sa liberté administrative en 1896.
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L’expansion d’Angoulins ne faiblit pas malgré la crise du phylloxéra en 1872 et trois années de disette de 1892 à 1894.
Afin de rendre plus fonctionnel les services municipaux installés Grande Rue (rue Gambetta) depuis 1854 et parce qu’elle a besoin de nouveaux locaux pour les écoles, la municipalité achète en avril 1893 le domaine du Parc, maison de la famille Rochelaise des Seignette. Elle appartient à la famille Monlun, riche propriétaire foncier dont Elisa, venderesse, est l’épouse du marquis de la Verpillière (qui fut le témoin de mariage de mon trisaïeul, alors son jardinier !). Une partie des bâtiments est affermée par la commune, un hôtel s’installe en 1896 et une laiterie renommée est créée en 1905 par le pharmacien rochelais Joseph Eury. Le château est revendu, change de mains plusieurs fois pour finalement revenir dans le patrimoine communal en 1952. Après les travaux d’aménagement nécessaires, la mairie s’y installe définitivement.
Cette grande maison est agrémentée d’un parc, devenu le parc municipal dès 1895, et d’un belvédère aujourd’hui disparu dont on peut encore voir les fondations.
ℹ️ Lire aussi : la mairie et le parc municipal, la laiterie Eury et la cour Gambetta
Le territoire d’Angoulins est assis sur un calcaire de l’époque du Jurassique. À partir des années 1880, trois sites de production de chaux, parpaings et ciments voient le jour. Celui des frères André et Léon Guichard aux Fourneaux et à la gare. Les chaux et ciments du Mans également aux Fourneaux (la carrière est encore en partie visible) et aux Cadelis, l’usine à chaux de Louis Cardinaud, neveu du chaufournier Gustave Guichard, maire d’Angoulins jusqu’en 1911.
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D’autres petites industries occupent le territoire à diverses époques, dont une verrerie à la Motte Grenet, une fabrique de peinture avenue de la Gare et une d’huile pour moteur rue Gambetta, toutes deux dirigées par Adolphe Mossé.
Rue Saint-Gilles, la fabrique d’Auguste Moinard produisait du savon de la marque Javanaise, rachetée par la famille Becquet pour y produire divers objets en plastique de la vie quotidienne. Les terrains de ces entreprises ont ensuite permis la construction de la nouvelle Poste en 1988 et le centre de loisirs.
ℹ️ Lire aussi : la fabrique Moinard et l’usine Becquet (à venir)
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la position stratégique d’Angoulins conduit les Allemands à construire une soixantaine d’ouvrages de défense du Mur de l’Atlantique. Certains blockhaus sont encore bien visibles rue André Dulin et à la Pointe du Chay.
Après l’armistice, en 1948, l’armée installe un important dépôt du Génie derrière la gare, prenant la suite d’une usine d’imprégnation à la créosote de traverses ferroviaires, l’atelier des établissements Gaillard.
ℹ️ Lire aussi : le mur de l’Atlantique, le camp du Génie et l’atelier des Ets Gaillard
Au XXᵉ siècle, la proximité de la station balnéaire de Châtelaillon-Plage et la prospérité de La Rochelle font d’Angoulins-sur-Mer, la bien nommée, un village prisé qui ne cessera de croître. Les enfants de toute la France profitent des bienfaits de la mer aux colonies de vacances de La Sapinière, des Genêts, de Châtellerault et des Goélands. De 1957 à 1967, un restaurant renommé à la Motte Grenet gâte les papilles des gastronomes.
ℹ️ Lire aussi : les colonies de vacances et le restaurant de Louis Authé
À partir de 1969, sous l’impulsion du maire élu en 1965, Albert Denis, une importante zone commerciale (ZAC) voit le jour avec l’ouverture en mai 1973 au lieu-dit « La Velaine » le long de la RN137, d’un supermarché Record. Suit, en 1984, la création de la ZAC des Fourneaux. En 2004, la zone est étendue au secteur des Ormeaux. La ZAC d’Angoulins (140 enseignes) et celle de Beaulieu à Puilboreau sont les deux grands parcs commerciaux de la communauté rochelaise et du département.
ℹ️ Lire aussi : la zone commerciale et Albert Denis
Notre village attire aussi les personnalités. La championne olympique du 400 mètres, à Mexico en 1968, Colette Besson y avait une maison. Elle repose au cimetière communal depuis 2005. Philippe Croizon, amputé des quatre membres après un accident, s’est durement entraîné dans le port du Loiron, à côté de sa maison, avant d’accomplir son premier exploit, traverser la Manche à la nage en septembre 2010. Les jeunes Fabien et Manon Pianazza, issus d’une famille de maçons, ont déjà un palmarès incroyable dans les sports nautiques. Le rayonnement d’Angoulins n’en est que plus grand !
Grâce à sa localisation en bordure de mer (environ 7 500 mètres de longueur de côte), à quelques kilomètres au sud de La Rochelle, riche d’une passionnante histoire que nous allons découvrir ensemble, Angoulins est un village attrayant et attachant qui a su garder une réelle identité rurale et littorale.
Chiffres clés des superficies
Superficie de 786 ha : 230 ha urbanisés (30 %) et 556 ha (70 %) d’espaces naturels ou agricoles.
Environ 287 hectares de marais, soit près de 36 % du territoire Angoulinois. 96 ha sont destinés à l’ostréiculture.
40 km de voirie, soit 80 km de trottoirs !
La plaine agricole couvre 257 ha, soit approximativement 34 % du territoire de la commune.
La Pointe du Chay couvre 16 ha.
Le territoire urbanisé compte 16 ha d’espaces verts. 100 % de toutes les surfaces sont entretenues sans produits phytosanitaires.
Note (humoristique) : des golènes artificielles ont été retrouvées du côté des Deux-Sèvres. Ce sont les fameuses bassines qui font polémique aujourd’hui. Les historiens en dénombrent six et elles auraient été commandées par Louis XIV : ce sont les « six golènes royales ». 😄
Documentation
Denis Briand, le Patrimoine des Communes de Charente-Maritime, Flohic Éditions
Origine des noms de villes et villages de Charente-Maritime, Jean-Marie Cassagne & Stéphane Seguin, éditions Bordessoules
Mémoire en Images, Angoulins, Denis Briand, Éditions Alan Sutton
Articles de Jean Joguet, historien Angoulinois, 1950.
Histoire de La Rochelle, Mickaël Augeron et Jean-Louis Mahé, Geste éditions
Géoportail, Google Maps et le fonds des Archives Départementales