Saint-Jean-des-Sables


L’anse de Saint-Jean-des-Sables est située au sud d’Angoulins, au bout du grand chemin qui relie le centre du bourg à Châtelaillon, depuis 1945, l’avenue du Général de Gaulle. Une fois passé le rond-point aménagé en 2000, nous sommes à Châtelaillon. Enserrés entre l’océan et de vastes marais, les lieux sont habités depuis très longtemps.

Une anse connue depuis le IXe siècle

Ici existait une chapelle dédiée à Saint-Jean dont il ne reste plus rien aujourd’hui. Tout près, au nord-est, une maladrerie accueillait les lépreux au Moyen Âge. Ce lieu-dit existe toujours.
À Saint-Jean, un canal (appelé coi) et une maison écluse régulent les eaux des marais avec l’océan. Saint-Jean marquait la limite sud de la poche de La Rochelle pendant la Seconde Guerre mondiale.

Situation actuelle de Saint-Jean-des-Sables au sud d’Angoulins. Image IGN Géoportail

La fougue de l’océan a obligé la construction de protections, une digue sur laquelle un chemin côtier bétonné court jusqu’au boulevard de la Mer à Châtelaillon.
Avant la tempête Xynthia, huit magnifiques carrelets s’accrochaient à la plage, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous. Malheureusement, il n’en reste plus un seul aujourd’hui.

Saint-Jean-des-Sables en 2009, avant la tempête Xynthia. Comme aujourd’hui, les plus anciennes habitations étaient situées en haut et à droite, le long du chemin qui menait à Châtelaillon. Source famille
L’anse de Saint-Jean-des-Sables aujourd’hui. Photo personnelle

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La légende de la tête de Saint-Jean-Baptiste

En 817, guidés par Dieu, le moine Félix et ses compagnons accostent sur cette plage au sud d’Angoulins. Ils arrivent d’Égypte, plus précisément d’Alexandrie. Avec eux, une extraordinaire relique : la tête de Saint-Jean-Baptiste. Le roi carolingien Pépin 1ᵉʳ (797-838) est alors roi d’Aquitaine. Tout près d’ici, il guerroie contre les barbares venus du nord. Une vision lui dit que la relique est toute proche. La bataille terminée, il va à la rencontre du cortège monastique. Des chevaliers retrouvent la vie. Touchés par cette grâce divine, le roi, son armée et les moines se dirigent alors vers la résidence des Ducs d’Aquitaine d’Angeriacum. Le roi y fonde un monastère pour abriter la précieuse tête : l’abbaye royale de Saint-Jean-d’Angély est née.

Le magnifique Saint-Jean-Baptiste (1513-16) peint par Léonard de Vinci.
Musée du Louvre, Paris

Qui est Jean-Baptiste ?
Il est pour les chrétiens le dernier prophète d’Israël. Par sa prédication et le baptême qu’il propose aux foules, il annonce et prépare la venue de Jésus. La rencontre de Jésus et de Jean-Baptiste marque la fin de la prédication de Jean et le début de celle de Jésus. Jean-Baptiste sera emprisonné et décapité par le roi Hérode Antipas pour avoir dénoncé son immoralité.

Source : La Croix

La chapelle de Saint-Jean du Sable

Dédiée naturellement à Saint-Jean-Baptiste, les Bénédictins édifient une chapelle là où accostèrent les moines. Elle dépend de l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély. La date de sa fondation n’est pas connue, mais son existence est attestée jusqu’au XVIIIe siècle. À cette époque, l’abbaye est ruinée : à la demande du curé d’Angoulins, la chapelle est rattachée à la paroisse, car elle procure encore quelques revenus. En 1712, Claude Masse, ingénieur géographe (1652-1737), décrit des ruines. D’après les historiens, cette chapelle était située sur un îlot rocheux. Encore une fois, l’océan semble avoir fait son œuvre destructrice comme pour l’église Saint-Nazaire à l’est de la Pointe du Chay.

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Sur cette carte de Cassini, datée de 1768-1771, un édifice religieux est encore indiqué à Saint-Jean du Sable. Le toponyme « des Sables » est moderne, il apparaît sur le recensement de la population de Châtelaillon en 1901. Image Gallica BNF

La Maladrerie

C’est aujourd’hui un lieu-dit de quelques maisons situé sur la route qui part de Saint-Jean, traverse la grande route de La Rochelle à Rochefort (actuelle RN137) et rejoint le bourg de La Jarne.
L’histoire de cette léproserie n’est pas documentée. Au Moyen Âge, l’accueil et l’isolement des malades sont courants dans notre pays. En 1226, le testament de Louis VIII révèle l’existence de 2 000 léproseries dans le Royaume de France, souvent dirigées par des moines Hospitaliers de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem.
Sur le cadastre de 1811, on peut constater l’isolement de l’établissement : les malades ne risquent pas de contaminer le proche voisinage !

Cadastre de 1811, sur la route de Saint-Jean à La Jarne, la situation de la « maladrie » comme l’a bien écrit le géographe. Image AD17
Les quelques maisons de la Maladrerie, le long de l’ancienne route d’accès à la RN137, dont l’accès a été condamné pour raison de sécurité. Photo personnelle

Le canal ou coi de Saint-Jehan

Le canal ou coi de Saint-Jehan, son ancien nom, est connu depuis très longtemps, avant l’an mil. Sa fonction a toujours été d’évacuer les eaux du marais des Vaches ou marais de Salles, de l’Isleau au nord jusqu’à Salles-sur-Mer et du marais de Châtelaillon jusqu’à Saint-Vivien (les Bonneveaux et la Ragotterie).

Emprise de régulation du coi de Saint-Jean-des-Sables. Image IGN Géoportail

L’assèchement des marais et la maison de l’éclusier

Vers 1630, l’assèchement des marais est décidé. Pour éviter les futures inondations à marée montante, les eaux doivent être contrôlées par une écluse. Le canal est maçonné, une maison est construite en 1639 pour loger l’éclusier. Sous celle-ci, un mécanisme de régulation, une lourde pelle, est installé.

La maison de l’éclusier, datée du XVIIe siècle. Photo personnelle
Vers 1910, la (presque) même vue. Le muret de séparation du canal n’est pas encore construit. Source AD17
Vers 1930, le canal passe sous le petit pont de la Sapinière. Au second plan, la maison éclusière. Source internet

Les courants des deux marais se rejoignent un peu plus en amont. Problème, parfois, cette rencontre contrarie l’évacuation vers la mer, le marais est alors inondé. C’est pourquoi le coi fut séparé en son milieu : la partie gauche régule le marais de Châtelaillon au sud, la partie droite le marais de Salles-sur-Mer à l’est. Le niveau peut être différent dans les deux canaux. Depuis 1990, une station de refoulement équipée de deux pompes facilite l’évacuation des eaux du marais vers la mer.

Le double canal en amont du pont ferroviaire régule plus de 800 hectares de marais. Photo personnelle

Dès 1641, une association syndicale des propriétaires régit les 825 hectares de ce marais doux desséché. Ils sont chargés de l’entretien des fossés et d’actionner écluses et vannes. Aujourd’hui, cette gestion est assurée par le Syndicat Intercommunal d’Aménagement Hydraulique de Saint-Jean-des-Sables, regroupant six communes : Angoulins, Châtelaillon, La Jarne, Salles-sur-Mer, Saint-Vivien et Croix-Chapeau.

Quel nom donner à ce canal ?
Dans un rapport des ouvrages de défense construits par les allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, le château de l’Herbaudière situé à Salles-sur-Mer donne son nom à ce canal.
Sur OpenStreetMap, projet collaboratif open source de cartographie, l’ensemble du canal jusqu’à l’Herbaudière se nomme « Le Panzay ». L’IGN utilise ce nom, mais uniquement à l’ouest immédiat de Salles-sur-Mer.
Finalement, canal de Saint-Jean-des-Sables semble être un bon compromis, plus parlant.

Sources : SHD Rochefort, OpenStreetMap, IGN

L’éclusier officiait encore en 2000. Le métier pouvait être pénible, surtout quand il faut manœuvrer la lourde pelle, et ainsi éviter de noyer l’arrière-pays aux grandes marées montantes. Imaginez lorsqu’il devait se lever pendant l’hiver glacial et venteux, en pleine nuit, du sommeil plein les yeux… Brrr !

L’anse de Saint-Jean-des Sables au début du XXe siècle. La « Grosse Roche » à gauche, caractéristique des lieux et familier des angoulinois, a aujourd’hui disparu. Source AD17
Vers 1920, l’anse de Saint-Jean-des-Sables. À l’arrière plan, derrière la maison de l’éclusier, un bâtiment a disparu (après 1950). Source famille

Le mur de l’Atlantique

C’est ici à Saint-Jean-des-Sables que la poche de l’Atlantique se refermait. Les défenses sont nombreuses, composées de casemates, tobrouks à mitrailleuse, défenses antichars, contre un éventuel débarquement. Ici, les allemands surveillent et repoussent les éventuels assaillants, qu’ils viennent de la mer ou de la terre.
Pour en savoir plus sur les ouvrages construits par l’Organisation Todt à Angoulins, cliquez sur ce lien.

Les barres de fer rouillées sont les restes d’une défense antichars avant le pont ferroviaire. Photo personnelle

Les défenses côtières et Xynthia

Dès l’arrivée du chemin de fer vers 1870, des aménagements sont réalisés pour protéger de la houle et de l’érosion l’anse et la longue plage allant jusqu’aux premières maisons du boulevard de la Mer à Châtelaillon. Ils protègent également la dune et la voie ferrée à l’arrière, ainsi que la petite plage devant le parking.

La tempête Xynthia du 26 février 2010 a fait de nombreux dégâts sur cette partie du littoral. Les carrelets ont été balayés et n’ont pas été reconstruits. C’est regrettable.
Une solide digue construite en face de la maison de l’éclusier, au pied de la (défunte) Grosse Roche consolide l’ensemble.

Le point de départ de belles balades

Saint-Jean-des-Sables est un site remarquable de notre commune et de sa voisine Châtelaillon. Le secteur fait partie de l’inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF).
Nombreux sont ceux qui l’apprécient, car il permet de magnifiques promenades en allant, soit vers la Motte Grenet soit vers Châtelaillon par le sentier côtier.

Saint-Jean-des-Sables en 2022. Image Google Maps

Documentation
Panneaux des Sentiers de découverte, 11ᵉ pause d’Angoline, 4ᵉ pause de Châtelaillon
Jean Joguet, articles parus dans l’Écho des Sirènes, années 1950
Denis Briand, Histoire & Patrimoine, Angoulins, sites et monuments, Expression-Hist, 2005
Flâneries en Poitou-Charentes, Angoulins-sur-Mer, La Grange de Mercure, 2014
IGN Géoportail, OpenStreetMap, Gallica BNF, AD17
Musée du Louvre
Internet et famille