La Motte Grenet


La Motte Grenet est un quartier situé en bord de mer, à l’écart du vieux bourg. Il forme une légère pointe sur l’océan entre la cale de la Chaume au nord et la plage de Saint-Jean-des-Sables au sud, en limite de la commune de Châtelaillon.

Situation du quartier de la Motte Grenet. Image IGN Géoportail

Comme vous le constatez, la Motte Grenet s’écrit de différentes manières. Suivant les époques, les documents et les rédacteurs, on peut lire :
• La Motte Grenet : orthographe actuelle des panneaux de rue et de Google Maps.
• La Mothe Grenet ;
• La Motte / Mothe Greney. Parfois également Mottes et aussi Grené !
Il peut y avoir un tiret entre les deux mots. Bref, il y en a pour tous les goûts !

Exemple d’orthographe du quartier en question sur ce recensement de 1968. Source AD17

Étymologie du quartier

Grenet, dérivé de Granet, a pour racine le mot « grain ». D’après le site Geneanet, Granet pourrait être un toponyme indiquant une halle au blé, peut-être, par extension, un lieu de stockage de céréales. Une motte (ou mothe) est un tertre, naturelle ou construite par l’homme, dont la vocation est d’accueillir une forteresse. Ce qui est le cas ici, enfin presque !
Grenet est un nom de famille courant en France, Geneanet recense une famille entre Châtelaillon et Angoulins au XVIIIe et XIXe siècle.
Les moins jeunes d’entre nous se souviennent aussi de l’hôtel restaurant du grand chef monsieur Louis Authé et de la colonie de vacances qui a suivi.

Claude Masse (1652-1737), ingénieur et cartographe du roi Louis XIV, nomme la pointe de la Motte Grenet « pointe de Vinaigre » sur sa carte (vers 1700).

Le fortin de la Motte Grenet

Ici, malheureusement point de forteresse, mais plutôt un fortin (ou fort) construit à l’époque napoléonienne. L’ennemi est anglais et la protection de la côte est une priorité nationale, à l’image du mur de l’Atlantique des allemands. La Marine anglaise bloque le commerce maritime en coulant des navires.
En ces temps troublés, deux autres fortins sont construits à la Pointe du Chay, aujourd’hui disparus.

ℹ️ Lire aussi : le mur de l’Atlantique

Sur ce plan cadastral assez précis, on remarque l’existence d’un petit bâtiment entouré d’un mur d’enceinte. Il s’agit du corps de garde, construit à partir de 1811, dont les murs sont très épais. C’est ici que les soldats casernent, aidés au besoin par les troupes supplétives armées, tant bien que mal, les Angoulinois. Outre le logement chauffé par une cheminée, ce bâtiment, au plafond voûté, abrite une poudrière.

Cadastre de 1867, le fort Greney. Image AD17

Sur cette carte postale datée du début du XXᵉ siècle, une belle villa de style balnéaire a été construite au sein du fortin. L’enceinte a conservé ses caractéristiques défensives, à savoir les petites meurtrières à gauche, le portail et, à droite, le mur crénelé.

Tout à droite, l’ancien bâtiment des gardes du fortin. Source famille

En janvier 2009, la pointe est encore accessible aux curieux. Plus pour longtemps, des maisons sont en cours de construction sur un lotissement privé. J’ai pris cette photo à l’intérieur du fortin (la mer est dans mon dos), on y voit encore un tiers du corps de garde et le mur d’enceinte aux meurtrières bouchées. On y devine le petit chemin de ronde au-dessus. La belle villa a été rasée, mais subsiste son entrée aménagée pour y accéder.

Le fortin a été construit en 1811. En 2009, il en reste la moitié. Les murs d’enceinte sont encore bien visibles. Photo personnelle
Sur cette vue aérienne des années 50, le contour du mur d’enceinte et le corps de garde sont encore bien visibles. À comparer avec le plan cadastral de 1867. Source internet

ℹ️ Voir aussi : vues aériennes

La villa balnéaire (ou chalet) du fortin

Construite de 1876 à 1878, cette magnifique villa (nommée à l’origine : villa Montretout) a connu des activités diverses et variées. En 1907, le maître verrier Adrien Leroy installe son entreprise dans l’ancien corps de garde, mais la maison sera saisie en 1911.
En décembre 1917, Marie Joussemet veuve de Georges Frick achète la maison à Marie Nunc, épouse De Thierry Villemont, déjà propriétaire du château de la Sapinière (villa Oasis) tout proche. Le fils de Marie, Marcel, diplômé en droit, industriel, est délégué du Bureau National du Charbon. Son épouse Raymonde y est avicultrice. Elle s’appelle en réalité Berthe Fabri. Née à Paris en 1896, elle décède à La Rochelle en février 1981.

ℹ️ Lire aussi ces articles détaillés : la villa Montretout et la villa Oasis

La verrerie est installée dans le corps de garde du fortin. Source internet
Les ouvriers de la verrerie. Remarquez dans les entrées l’épaisseur des murs de l’ancien corps de garde. Le jeune homme au milieu, Maurice, est le grand-père de mon cousin Raymond Normand. Source internet

Marie Joussemet veuve Frick vend la maison en décembre 1931 à la fondation des Orphelins d’Auteuil dont l’abbé Daniel Brottier (1876-1936) est le directeur général de 1923 à 1936. Elle devient une maison de repos et accueille les enfants de la fondation. L’abbé célèbre la messe pour eux en l’église Saint-Pierre-ès-Liens d’Angoulins.

ℹ️ Lire aussi : l’église Saint-Pierre-ès-Liens

Le bon air de la mer et un civet de lapin, rien de mieux pour requinquer les p’tits gars de la ville ! Source internet
Une belle allée de cyprès mène à la maison de repos.
Image internet

L’hôtel bar restaurant Authé

En 1957, le grand chef parisien puis rochelais Louis Authé (1904-1982) rachète une maison située au nord-ouest du fortin. Elle a été construite dans les années 1920/1930. Aidé de son épouse Madeleine, il la transforme rapidement en hôtel, bar et restaurant réputé. À leur table, ils reçoivent tous ceux qui ont apprécié la cuisine de Louis à La Marée (au-dessus de la criée de l’Encan) et au Môle d’Escale au port de La Pallice. Les amoureux de belles adresses ne manquent pas, ils apprécient le calme de l’hôtel et le menu proposé.

ℹ️ Lire aussi : le restaurant de Louis Authé

L’hôtel restaurant : le bâtiment rectangulaire aux stores jaunes adossé à la maison rachetée en 1956. À proximité, le long bâtiment derrière les cyprès sert de réserves. Source famille

La colonie de vacances

En décembre 1963, Louis et Madeleine Authé revendent l’ensemble à l’APAS (Association Paritaire d’Action Sociale) de Lyon dans le Rhône. Une colonie de vacances voit le jour, des bâtiments sont construits pour accueillir les enfants. La colonie arrête l’accueil vers 1995 et ferme définitivement ses portes.

Vers 1974, la colonie de vacances de l’APAS de Lyon. Source famille
L’aspect de la colonie en 1985. Un nouveau grand bâtiment a été édifié en 1983 au nord est de l’ancien fortin. Image Géoportail

ℹ️ Lire aussi : les colonies de vacances

La Motte Grenet aujourd’hui

Vers 2006, le terrain est vendu, un promoteur immobilier de Châtelaillon l’aménage en résidence privée et sécurisée, appelée « Le Rocher de la Menoise ». L’emplacement est de premier choix, le but visé est d’édifier des villas de grand standing (14). Les premières sortent de terre à partir de 2008. L’habitat est concentré comme on peut le voir sur cette vue aérienne, mais les vis-à-vis sont préservés.
La villa balnéaire, l’hôtel restaurant et la colonie ne sont plus qu’un lointain souvenir… En avril 2007, le ministère de la Culture a demandé aux promoteurs de conserver les murs est et sud de l’enceinte du fortin. De l’ancien corps de garde, un mur présentant des graffitis a été intégré à l’intérieur de l’une des villas.

Le quartier de la Motte Grenet en 2022. Les murs de l’ancien fortin conservés sur demande du Ministère de la Culture. Image Google Maps

Documentation
Internet
Google Maps, IGN
Archives Départementales de La Rochelle
Cartes postales de la famille, photos personnelles