Le restaurant de Louis Authé


De 1957 à 1963, Angoulins avait sur ses terres un grand restaurant, complété d’un bar et d’un petit hôtel de 10 chambres. Situé à la Motte Grenet, il était tenu par le grand chef parisien puis rochelais Louis Authé, accompagné de son épouse Madeleine.
Je remercie particulièrement mon cousin Raymond qui m’a permis de rencontrer la fille de Louis, Andrée Authé Guyonnet. Elle m’a ouvert sa porte très gentiment et a partagé avec moi la vie de son papa. Un immense merci à elle !


Le grand chef Louis Authé. Collection Andrée Authé Guyonnet

Une vie consacrée à la grande cuisine

Louis Joseph Authé est né le 21 décembre 1904 à Coulombiers dans la Vienne. Il monte à Paris faire son apprentissage, et exerce rapidement ses talents dans les plus grands restaurants dont une brasserie de renom tout près du théâtre du Châtelet.
À 29 ans, en janvier 1933, Louis devient propriétaire du relais de La Belle Aurore, auberge située au carrefour des routes de Niort et de Nantes à Usseau, près de Sainte-Soulle (17).

Banquet des Anciens Prisonniers de Guerre du 10 juin 1934 à La Belle Aurore. L’ex-chef n’a que 30 ans !
Source Le Courrier de La Rochelle du 16 juin 1934 AD17
En 1933, Louis achète l’auberge La Belle Aurore, au carrefour de la RN11 et de la RN137. Aujourd’hui le restaurant L’Apsara. Source Google Maps

Par la suite, Louis officie à La Rochelle dans deux restaurants : la Marée et le Môle d’Escale.
Le premier, sous concession de la mairie, est tout au bout de l’Encan, à l’époque la halle à marée. Ce quartier est toujours animé, l’Encan longe le bassin des chalutiers à deux pas du centre historique de La Rochelle. Le second domine les quais du môle d’escale du port de La Pallice, en face des amarres des gros bateaux de commerce et des paquebots transatlantiques.

La réputation des restaurants attire les vedettes de l’époque. Andrée se souvient de Jean Gabin, Lino Ventura et Pierre Brasseur lorsqu’ils tournaient ici. Louis participait à la production en fournissant les casse-croûte des acteurs et des techniciens.

L’Encan de La Rochelle vers 1950. Dans un angle, La Marée, cantine gastronomique pour professionnels de la mer ! À noter que le restaurant existe encore aujourd’hui et qu’il se nomme… La Fabuleuse Cantine. Source Internet
Au deuxième étage de cette imposante gare maritime (1951-1969), surnommée la gare du « bout du monde », le restaurant terrasse Le Môle d’Escale. Source Internet

ℹ️ Pour aller plus loin : un documentaire sur la gare maritime du môle d’escale

Le Môle d’Escale, Annie Cordy au piano devant le grand chef Louis Authé. Collection Andrée Authé Guyonnet / Source Sud-Ouest
Le Môle d’Escale, Andrée Authé en compagnie de Robert Mitchum, acteur du film « Le jour le plus long », 1962. Des scènes ont été tournées sur l’île de Ré.
Collection Andrée Authé Guyonnet / Source Sud-Ouest
Lino Ventura et Louis Authé sur la terrasse du Môle d’Escale. Source Dailymotion

Le restaurant Les Genêts à Angoulins

En 1957, Louis, âgé de 53 ans, souhaite avoir son restaurant, il veut « être chez lui » comme le rappelle sa fille Andrée. Il achète une maison au-dessus de l’océan, à la Motte Grenet, au nord-ouest du fortin napoléonien. Elle a été construite dans les années 1920/1930. Des travaux sont aussitôt entrepris. En parallèle de son activité au Môle d’Escale, il est secondé par son épouse Madeleine Villain, née le 25 septembre 1920 à Chay en Vendée. Il l’épouse le 28 avril 1959.

Sur cette vue aérienne du début des années 1960, l’hôtel-restaurant avec ses stores jaunes et la maison accolée. Le long bâtiment au sud (derrière les arbres) servait à entreposer tout le nécessaire au fonctionnement. Source internet

Les Genêts, hôtel, restaurant et bar, deviennent une adresse réputée. Les Rochelais, fidèles à la cuisine de Louis, ne manquent pas de venir à Angoulins. Le confort des 10 chambres avec vue sur mer attire les touristes. Andrée se remémore la visite du patron de la filiale française de la société américaine Général Électrique. Elle se souvient aussi d’une passionnée d’art de Paris qui avait compris l’intérêt historique, mais négligé, de notre église, « elle est superbe ! ».

ℹ️ Lire aussi : la Motte Grenet et l’église Saint-Pierre-ès-Liens

La carte de visite des Genêts. Réservation obligatoire ! Collection Andrée Authé Guyonnet

Petite anecdote rigolote : la notoriété des Genêts est telle que de nombreuses voitures passent et repassent la voie ferrée toute proche dont la barrière — manuelle — est actionnée par Monsieur Frouin. Afin de faciliter la circulation et sécuriser correctement ce passage à niveau, l’administration des chemins de fer décide de l’automatiser, ce qui entraîne de fait une promotion pour le garde-barrière. Merci les Genêts !

Années 1960, la maison des Genêts. À proximité, le grand potager pour une cuisine d’exception et caché à droite un cours de tennis pour les clients. Collection Andrée Authé Guyonnet

Louis accueille les banquets des entreprises et les repas de mariages. Il organise les réveillons de Noël et de Nouvel An, toujours complets. Un orchestre jazzy de Rochefort est chargé de l’animation.

28 novembre 1959. Banquet des cadres franco-américains des camps militaires US. Il fallait un bel appétit pour honorer ce menu ! Collection Andrée Authé Guyonnet
Réveillons de 1959 / 1960. 2 000 F = 35 €, 1 800 F = 31 €. Sans les vins et le service. Collection Andrée Authé Guyonnet

Le 20 décembre 1963, Louis et Madeleine vendent Les Genêts à l’APAS BTP du Rhône, une colonie de vacances va bientôt voir le jour. La cause en est la situation de l’établissement, au bord de l’océan les frais d’entretien sont trop importants. C’est un déchirement pour Andrée et ses parents. Par la suite, ils achètent une maison rue Gambetta qui possède un étage avec vue sur mer. Une bienveillante consolation en comparaison du cadre magnifique qu’offrait le restaurant. Pour raviver le souvenir de ces temps heureux, Andrée achète un petit terrain du côté du port du Loiron sur lequel elle édifie une maison. Elle possède toujours ce petit havre de paix… avec cette vue sur l’océan qu’elle aime partager avec ses amis.

ℹ️ Lire aussi : les colonies de vacances et le port du Loiron

La carrière de Louis se termine à La Rochelle, place de la chaîne, au pied de la tour du même nom. Il a quitté Angoulins pour diriger le restaurant La Taverne, aujourd’hui le Bistrot d’André. La famille habite au-dessus du restaurant, avec encore une vue magnifique, les tours du vieux port.
Louis décède à La Rochelle le 26 janvier 1982, à l’âge de 77 ans. Son épouse Madeleine le rejoint en 2008. Ils sont tous les deux inhumés au cimetière d’Angoulins.


Documentation
Collection Andrée Authé Guyonnet
Archives Départementales 17
Internet, le journal Sud-Ouest, Dailymotion