Angoulins s’honore d’avoir connu une personnalité telle que Louis Ferrant. La salle polyvalente, située route des Marais, porte son nom. Elle a été inaugurée le samedi 22 novembre 1986 par le maire Robert Cassagnes. Coïncidence notable, à l’instant du coup de ciseau inaugural, je me mariais à la mairie de La Courneuve près de Paris.
Serviteur de La France, Louis a connu une carrière militaire exceptionnelle. Dégagé de ses obligations en 1953, il s’installe dans notre village et continue d’œuvrer pour le bien de tous jusqu’à son décès en 1979.
La rédaction de cet article a été possible grâce au livre écrit en 2014 par le petit-fils de Louis Ferrant, Stéphane Burylo. Qu’il en soit vivement remercié ici !
Référence du livre en bas d’article
Un engagement au service de la France
Louis naît le 15 mars 1908 à Yzeures-sur-Creuse en Indre-et-Loire, village de 1800 habitants situé à 25 km à l’est de Châtellerault. C’est un enfant volontaire, fougueux, doté d’une forte personnalité. Le football est déjà une passion ! Studieux, mais d’un caractère dissipé, il est orienté à l’âge de 15 ans vers le métier d’électricien et à 19 ans, en mai 1927, la soif d’aventure l’amène à s’engager dans l’aviation. Il devient soldat de deuxième classe. Quelques mois plus tard, en novembre, il obtient son brevet de pilotage.
Le samedi 4 octobre 1930, âgé de 22 ans, il prend pour épouse à la mairie de Tours la jeune Marie Hérault âgée d’une vingtaine d’années (Tours 1910 – La Rochelle 2000). Ils auront trois enfants : Thérèse (1932), Yves (1934-2003) et Michel (1935-2020).
Le 28 octobre 1931, le jeune caporal devient sous-officier de carrière et, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il est adjudant-chef, moniteur à l’école des radionavigants de Fontenet, près de Saint-Jean-d’Angély.
Petite digression Angérienne
Source : blog sur Saint-Jean-d’Angély
Cette école de Charente-Maritime est la première affectation de Louis dans notre département. C’est à deux Angériens, André Guillon, un architecte passionné d’aviation, et le général Jauneaud, chef de cabinet de Pierre Cot, ministre de l’Air en 1936-1937, que Fontenet doit son camp militaire. À cette époque, l’Armée de l’Air, déjà installée à Saintes, Angoulême et Cognac, cherche un nouveau site. Ce sera Fontenet au sud-est de Saint-Jean-d’Angély.
Le 1ᵉʳ mai 1939, l’école d’aviation et celle des radionavigants deviennent opérationnelles. Un an plus tard, plus de 3 000 militaires sont présents (1 200 à l’instruction). Avant l’arrivée des allemands, les avions sont évacués, sauf un qui se dirige vers l’Angleterre, à bord duquel se trouvent Louis et ses camarades.
Ce camp militaire, occupé par la Luftwaffe, bombardé par les alliés, puis occupé par les américains de 1951 à 1963, devient une importante base militaire en France. Par la suite, elle sera reconvertie en zone industrielle.
Son combat pour La France Libre
En juin 1940, Louis refuse la défaite et l’humiliation de la France. Le 20 juin, deux jours après l’appel du Général De Gaulle, il s’envole pour l’Angleterre avec une vingtaine de camarades à bord d’un Farman 222-2. En juillet, il intègre une unité d’entraînement opérationnelle de la Royal Air Force et parfait sa formation dans le but de participer à la bataille aérienne. Louis est de loin l’aviateur parmi les plus chevronnés des pilotes français avec plus de 3 000 heures de vol.
Le combat pour libérer notre pays commence en Afrique. Le 30 août, les forces françaises de libération menées par le général de Gaulle embarquent à bord d’une flotte de bateaux dont un porte-avion, direction Dakar. Louis en fait naturellement partie. Le ralliement des forces françaises présentes au Sénégal est un échec. À partir de septembre 1940, Louis est affecté aux Forces Aériennes Françaises Libres. Début 1941, il s’envole pour l’Égypte et rejoint une unité chargée de la protection aérienne d’Athènes. Le 9 avril, il doit quitter la Grèce et rejoint en avion la ville de Tobrouk en Libye, sur le point d’être attaquée par les allemands. Au-dessus du port, il abat deux stukas nazis et en endommage un troisième.
La Bataille de Tobrouk
Source Wikipédia
Au début de la Seconde Guerre mondiale, le port, possession italienne, devient un enjeu stratégique. Outre son port en eau profonde, il dispose d’une usine d’épuration d’eau. Il est situé à proximité de la frontière entre la Libye, colonie italienne, et l’Égypte, ancien protectorat britannique et où se trouvaient encore de nombreuses troupes britanniques pour la protection du canal de Suez.
Après la déclaration de guerre par l’Italie contre le Royaume-Uni, les escarmouches commencent dès 1940. Le 22 janvier 1941, les troupes alliées (australiennes, néo-zélandaises, britanniques et françaises libres) s’emparent de Tobrouk. L’Afrikakorps de Rommel en entame le siège le 11 avril 1941. Il dure jusqu’au 26 novembre 1941 : une brigade d’infanterie polonaise vient alors renforcer les Britanniques.
L’année suivante, les forces de l’Axe entament une opération de mai à juin 1942. La ville tombe en juin 1942, elle n’est reprise par les Alliés que le 11 novembre 1942 après la seconde bataille d’El Alamein.
La bataille de Tobrouk est l’une des plus importantes qu’ait connue l’Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale.
Souffrant des yeux, Louis redevient instructeur de pilotes français. Le 23 juin 1941 est une date importante : un décret du général de Gaulle l’admet dans l’Ordre de La Libération. Le lendemain, il est blessé lors d’un service aérien commandé.
L’Ordre de la Libération a été créé par le général De Gaulle le 16 novembre 1940 à Brazzaville au Congo. Il ne comporte qu’un seul titre, celui de Compagnon de la Libération.
Source Ordre de La Libération
1038 croix de la Libération ont été décernées à des personnes physiques. Ce nombre restreint d’attributions donne à l’Ordre un caractère exemplaire et fait de la croix de la Libération la distinction française la plus prestigieuse au titre de la Seconde Guerre mondiale.
La devise latine de l’Ordre : Patriam Servando, Victoriam Tulit, en servant la Patrie, il a remporté la Victoire.
Fin août, le lieutenant Ferrant prend le commandement de l’Escadrille de liaison du Moyen-Orient.
1942 est une année cruelle, car la guerre et l’éloignement l’empêchent d’assister aux obsèques de sa mère Marie et de son père Louis, décédés respectivement en février et en novembre.
Le 1er septembre 1943, promu au grade de capitaine, il commande l’école de pilotage de Rayak au Liban.
Liste des décorations et des citations militaires décernées à Louis Ferrant
Dates | Décorations et citations |
---|---|
10 décembre 1936 | Médaille militaire |
28 avril 1941 | Citation à l’ordre de l’armée aérienne |
23 juin 1941 | Croix de Compagnon de la Libération |
27 juin 1942 | Médaille coloniale avec agrafe Libye |
20 janvier 1945 | Citation à l’ordre de l’armée aérienne, Croix de guerre avec palme, Chevalier de la Légion d’honneur |
Vers 1945 | Officier de l’Ordre de Georges 1ᵉʳ de Grèce (décoration étrangère) |
31 mars 1947 | Médaille de la Résistance française |
27 mai 1947 | Citation à l’ordre de l’armée aérienne, Croix de guerre avec palme, Officier de la Légion d’honneur |
31 décembre 1961 | Commandeur de la Légion d’honneur. |
L’après-guerre et la retraite à Angoulins
Cinq mois après le Débarquement du 6 juin 1944, le retour en France est possible. Le 4 novembre, après un long vol entre Rayak et Bourges via Tunis, l’émotion est forte lorsqu’il retrouve sa femme et ses trois enfants à Thenay (Indre).
Louis connaîtra différentes affectations dont il assure les fonctions de commandement : à Châteauroux, La Rochelle, Saint-Jean-d’Angély, Rochefort, Saintes et Metz ! À Saintes, il est le premier commandant de la Base école n° 722. Il termine au grade de lieutenant colonel puis de colonel de réserve en 1960. Il sortira de la réserve en 1967.
Le 1ᵉʳ janvier 1953, Louis arrête ses activités militaires. Il a demandé à être en congé du personnel navigant pour une durée de cinq années. Quatre ans plus tard, le 1ᵉʳ avril 1957, sonne l’heure de la retraite.
En 1953, Louis et sa famille s’installent définitivement à Angoulins au numéro 8 de la rue de la Motte Grenet. Notre village ne leur était pas inconnu, car ils y ont séjourné plusieurs fois en location saisonnière. Ils ont eu un vrai coup de cœur pour Angoulins et sa proximité avec l’océan.
Une personnalité telle que Louis Ferrant ne peut s’accommoder d’une retraite paisible. Rendre service est dans sa nature.
En 1956, il est président de l’association des amis de l’église Saint-Pierre-ès-Liens. Quelques mois plus tard, il s’occupe de la formation des jeunes footballeurs au sein de la JSA, la Jeunesse Sportive Angoulinoise.
ℹ️ Lire aussi : l’église Saint-Pierre-ès-Liens et la Jeunesse Sportive Angoulinoise
En décembre 1957, il devient conseiller municipal. Aux élections du 8 et 15 mars 1959, il est réélu en obtenant le plus de bulletins à son nom parmi les 34 candidats en lice. Ce sera son seul mandat, car il renoncera à se présenter en 1965. Cette année-là, il est président des donneurs de sang, association dont il est l’un des créateurs.
De 1972 à 1978, il redevient l’entraîneur des débutants de la JSA. Aussitôt notre installation à Angoulins en avril 1973, mes parents m’inscrivent à la JSA. Je me souviens de Louis aux entraînements, exigent, mais juste, on se faisait souvent enguirlander et il m’appelait « Charbonnier » ! Aujourd’hui, en écrivant cet article, j’ai beaucoup de tendresse pour ce petit lapsus nominatif.
Malade, âgé de 71 ans, Louis s’éteint le mardi 9 octobre 1979 à l’hôpital de La Rochelle. Son épouse Marie le rejoint le vendredi 23 juin 2000. Ils reposent tous les deux au cimetière communal d’Angoulins.
Documentation
Louis Ferrant, Aviateur de La France Libre, l’itinéraire d’un tourangeau Compagnon de La Libération, Stéphane Burylo, 2014, Geste éditions
Collection Ferrant / Burylo
Jeunesse Sportive Angoulinoise (JSA)
Site internet de l’Ordre de La Libération
Wikipédia
Photos personnelles