La ferme du Pont de la Pierre


L’histoire de notre village est fortement marquée par cette ferme dont la renommée va bien au-delà d’Angoulins. Pendant le siège de La Rochelle (1627-1628), elle fut la résidence du Cardinal de Richelieu, protégé par une garnison de fidèles mousquetaires.
Les origines lointaines de cette maison sont peu connues. Bâtie le long du chemin gaulois venant de Cramahé (Salles-sur-Mer) vers La Rochelle, elle était la gardienne d’un modeste pont, mais ô combien essentiel, et proche d’un petit port de commerce.
De 1523 jusqu’à la Révolution, le domaine seigneurial s’est transmis au fil des successions et des mariages. En 1800, il exploitait encore une surface de terre considérable, plus de cent hectares. En 1808, Louis Arzac Seignette en devint le propriétaire. Elle resta dans sa famille pendant plus d’un siècle. Rachetée en 1921 par un agriculteur du village, elle est aujourd’hui en indivision dont une moitié, nous verrons pourquoi, fait toujours partie du patrimoine de sa descendance.
Comme sa consœur des Veaux Verts dont je vous ai raconté l’histoire précédemment, la ferme du Pont de la Pierre a beaucoup de choses à dévoiler.

La ferme du Pont de la Pierre. Image Géoportail

J’ai pu visiter la ferme, et récolter — sans mauvais jeu de mot — quelques informations pour vous livrer un article complet, et, j’espère, intéressant. Un grand remerciement à Joël Ruchaud et son beau-père Bernard Praud pour leur accueil et toutes les réponses apportées à mes questions.


Fortuitement, l’actualité de ce mois d’août 2024 résonne avec cet article : les Jeux olympiques de Paris auraient-ils existé sans l’énergie de l’un des propriétaires du Pont de la Pierre ?

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Les origines

Le pont de la Pierre

Cette maison doit son existence au petit et très ancien pont situé à quelques dizaines de mètres à l’ouest. Construit au-dessus d’un russon, petit ruisseau serpentant dans les marais, il permet aux voyageurs, de continuer leur chemin vers le nord de la contrée, direction Aytré, puis le port très actif — dès le XIIᵉ siècle — de La Rochelle.

Un pont essentiel pour les voyageurs et les marchandises

Le pont de la Pierre se nomme ainsi parce qu’à l’origine, un mégalithe en marquait l’endroit. Depuis l’Antiquité, il est un point de passage essentielà moins de faire un long détour — sur les chemins longeant la côte. Au Moyen Âge, il est bâti en pierres de taille. Les seigneurs de Châtelaillon y établissent un péage pour taxer le commerce, principalement le vin et le sel. Une maison toute proche assure la surveillance de ce lieu hautement stratégique, la ferme du Pont de la Pierre.

Le pont du Moyen Âge avant sa complète rénovation en 2007. Une arche est masquée par l’envahissante végétation. Remarquer sa simplicité et l’absence de parapet. Collection Claude Torchon
Le pont actuel. Son importante largeur est soulignée par ses deux arches à arcs brisés. Photo personnelle
Les deux pierres (anciennes bornes ?) au milieu des parapets marquent la limite entre Angoulins et Aytré. Photo personnelle

Petite anecdote de Claude Torchon : en juin 1890, un habitant d’Aytré découvrit dans le canal un vase contenant des monnaies dont un grand nombre à l’effigie de Richard Cœur de Lion (1157-1199).

Le port de la Vinette

Le canal passant sous le pont remonte assez loin dans les terres. Sur les cartes contemporaines, il porte le nom de Grand Canal ou canal de Vuhé, car il rejoint la ferme du même nom au sud de La Jarne, sur la route d’Angoulins. Ce canal a pour vocation d’alimenter les vastes marais entre notre ferme et le lieu-dit Pique-Fesse à La Jarne.

Au Moyen Âge, sa largeur permet à quelques embarcations de remonter jusqu’à Vuhé. Elles emportent des marchandises, particulièrement du vin et du sel, acheminées vers de plus gros bateaux mouillants au large de la plage. Ce commerce de produits viticoles, exportés vers l’Europe du Nord, a laissé un nom au port, la Vinette, et fait de l’Aunis une contrée réputée.

Le canal ou coi de Chaux ou coi de la Connilière au parking de la Colonelle. On y devine encore des ouvrages en pierre. Photo personnelle

Le coi de Chaux a laissé son nom à l’anse de Godechaud, au nord de la plage d’Aytré.

Le débouché du port se trouve à la Colonelle (est-ce une déformation vocale de Connilière ?), au sud de la plage d’Aytré, comme on peut le voir sur cette carte de l’ingénieur royal Bachot : des bateaux attendent dans la rade, le canal semble large, les routes convergent au pont de la Pierre, montrant par là sa position essentielle au sud-ouest des marais.

Vers 1630, carte de Jean Bachot, ingénieur du roi Louis XIV. Le port de la Vinette était situé au débouché du canal. Image DREAL Poitou-Charentes
La Colonelle vue de la piste littorale, en bas de la plage d’Aytré. Photo personnelle

La maison noble

Peu de documents descriptifs sont connus. Le siège de La Rochelle semble être un moment charnière dans l’histoire de cette maison, somme toute très modeste pour un logis noble.

La tour de 1607

Commençons cette visite par évoquer cette tour parvenue jusqu’à nous. Elle a été édifiée en 1607 par le seigneur Louis Berne.

À partir de 1219, les temps sont troublés depuis le premier siège de La Rochelle par le roi Philippe Auguste. Les protestants de la ville subissent des assauts continuels et il faut se protéger. Cette tour marque-t-elle le début de la fortification de la ferme ? Probablement oui, car une tour est souvent un élément de défense dans une maison de seigneur. Mais, elle peut être aussi un symbole de pouvoir et de statut social.

Toutefois, deux éléments architecturaux témoignent de la fonction défensive de la tour : la bretèche au-dessus de la porte et les meurtrières.
En 1626, de nouveaux travaux sont entrepris par Jean, le fils de Louis, puis, pour renforcer sa sécurité, par le Cardinal de Richelieu. Globalement, la fortification de la ferme date de cette période, le premier quart du XVIIᵉ siècle.

Voici quelques photos de cette tour.

La maison

En 1626, Jean Berne est maintenant le seigneur des lieux. Il sera le négociateur, du camp protestant, de la reddition de la cité rebelle. Le cardinal a choisi sa maison pour diriger les opérations. Un catholique reçu par un protestant n’est pas banal. Y avait-il d’autres lieux possibles ? Jean Berne a-t-il été obligé ? Ou est-ce un « gentleman agreement » pour préserver son rang ?

Des travaux sont néanmoins commandés. Pour accueillir son hôte prestigieux, Jean contracte avec la famille Courtois, maçons et tailleurs de pierre. Dans ce marché, la maison y est décrite sommairement : une salle haute avec cheminée à claveau, des chambres, une cuisine, une fontaine et une fuie dans le jardin clos, fenêtres à demi-croisées, bâtardes. Les toits sont couverts de tuile. Il existe un autre jardin clos, dont lequel, à chaque angle, se trouvent un cabinet couvert d’ardoises et un pavillon.

💡 Petit lexique : les claveaux sont des pierres formant des arcs ou des voutes. Une fuie est un petit colombier sur pied. La fenêtre à demi-croisée ne possède qu’un croisillon transversal, contrairement à la fenêtre à meneaux formant une croix latine. Les bâtardes sont des portes de taille moyenne.

Sur cette gravure de Jacques Callot, détail du siège de La Rochelle, on reconnaît quelques éléments. La cour d’accueil en triangle (ou quereux), des tours carrées, le jardin arrière avec des pavillons dans les angles, le second jardin à la française dans lequel est figuré le Cardinal s’entretenant avec… Jean Berne ? Bizarrement, pas de trace de notre tour ronde.

1627, détail du logis du Pont de la Pierre, gravure de Jacques Callot (1592-1635). Pour en apprécier toute la finesse, cette image a subi une amélioration graphique. Source internet

Malgré sa précision artistique, ce dessin ne correspond pas à la réalité. Monsieur Praud, l’un des propriétaires actuels, est formel : les fondations des tours carrées n’ont jamais été retrouvées. L’enceinte extérieure a existé, car le géographe royal, Claude Masse, l’a représentée en 1703. À l’intérieur, l’emprise rectangulaire de la ferme, du quereux, à la cour, jusqu’aux deux pavillons d’angle, est celle que nous connaissons aujourd’hui.

Une vue plus large du siège est visible en cliquant sur ce lien.

Richelieu au pont de la Pierre

Dans les Mémoires du Cardinal de Richelieu, un court paragraphe évoque son arrivée à la ferme en octobre 1627. En voici le texte, je n’ai rien changé :

Le cardinal se logea au Pont de la Pierre, qui est une maison sise sur le bord de la mer, éloignée de tout secours et sans aucun retranchement ; ce qui donna sujet aux Rochelois de faire une entreprise par mer pour l’enlever la nuit dont il partit le jour pour aller en Brouage.

Le Roi, en étant averti par un de l’entreprise sorti de La Rochelle, fit mettre ses mousquetaires dans la maison, et des régiments sur le ventre dans les dunes qui sont à l’avenue de la mer, et Sa Majesté demeura toute la nuit avec quelques compagnies de cavalerie derrière la maison, attendant les Rochelois, mais sans effet ; car, bien qu’ils fussent venus à la rade pour exécuter leur dessein, ils n’osèrent se débarquer, et s’en retournèrent. Depuis, le cardinal pourvut à la sûreté de cette demeure par de bons retranchements et fortifications à l’épreuve du canon.

Le roi Louis XIII, dont la résidence pendant le siège était au château des Réaux à Aytré, est venu à Angoulins. Ce texte indique aussi que notre cher Cardinal a pourvu à sa sécurité en aménageant les lieux.

Enfin, une dernière description de 1691, montre une maison composée de plusieurs chambres et cabinets, une petite tour carrée terminant l’ensemble. Les pièces sont desservies par une tour ronde avec son escalier à vis.

De ce logis noble, seule la partie à gauche de la tour est parvenue jusqu’ici. La partie droite, au sud, a été détruite durant le XVIIIᵉ siècle. Bien plus tard, au début des années 1970, un pavillon d’un étage a été construit. Lors du creusement des fondations, un sol primitif en faïence a été découvert. La cour était bien plus basse au Moyen Âge.

Les parties les plus anciennes sont visibles sur cette photo des années 1930. Collection Joël Ruchaud
Le portail

Il est assez moderne, car il daterait du XVIIIᵉ siècle. Comme à la ferme des Veaux Verts, il est typique de notre région, composé de deux portes, une cochère et une piétonne. Le blason étant plus ancien, il a été intégré à la maçonnerie.

Le portail de la ferme. La vignette montre le blason des Berne situé au-dessus de la porte piétonne. Photo personnelle

Sur la gauche, le mur d’enceinte a été ouvert et un portail posé. Des travaux engagés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, suite au partage de la ferme dont nous reparlerons plus bas.

Deux entrées possibles suite au partage de la ferme. Photo personnelle
Les bâtiments annexes

En 1703, la ferme forme un U. Ce plan de Claude Masse est bien plus fiable que la gravure vue précédemment. Le quereux à l’avant semble ceint de murs. L’accès à la cour de la maison se fait par la gauche, comme aujourd’hui. De chaque côté, les granges, hangars et autres greniers utiles à l’exploitation agricole. Le jardin à l’arrière est ceint de murs. Cela n’a pas changé. La seconde enceinte épouse la pointe formée par les deux chemins se rejoignant.

Carte de Claude Masse de 1703. Archives du Service historique de la Défense (Vincennes) J10C 1293

Au fil des destructions et des remaniements, cet aspect général a traversé les siècles, comme on peut le voir sur ce plan issu du relevé dressé en 1813 des propriétés de Louis Arzac Seignette. L’angle sud a été détruit, le quereux de la pointe a perdu ses murs et l’enceinte périphérique a disparu.

1813. Plan de la ferme du Pont de la Pierre. Relevé des propriétés de Louis Arzac Seignette. Médiathèque M. Crépeau La Rochelle, Ms2185

En 1969, cette vue aérienne montre le peu de changement intervenu en 150 ans. Le jardin dispose d’un potager et de quelques rangs de vigne toujours productifs. Le pavillon à étage va bientôt sortir de terre.

1969. Au sud de la grande cour, une plus petite permet d’élèver quelques animaux. Image IGN Remonter le temps
De l’ouverture faite après le partage, une vue des anciens bâtiments de l’exploitation. Photo personnelle

La façade nord présente des particularités intéressantes. On peut voir qu’elle a subi des changements au fil du temps. La qualité de la maçonnerie est visible. Des nombreuses pierres traversantes, appelées boutisses ou parpaings, consolident ces hauts murs peu épais pour des raisons d’économies.

Façade nord, du côté du chemin gaulois. Photo personelle
Le petit pigeonnier

Derrière ces murs, un hangar révèle quelques boulins. Il ne s’agit pas ici d’un vrai pigeonnier comme à la ferme des Veaux Verts. Il faut y voir ici une réserve de produits frais, car les pigeons étaient un mets très apprécié de nos aïeux.

Les boulins du hangar. Photo personnelle
Les puits et la fontaine

Trois points d’eau alimentent la ferme, une fontaine et deux puits. Ils sont l’unique source d’approvisionnement puisqu’elle n’est pas reliée à l’eau courante.


Les propriétaires successifs

Le décor étant maintenant connu, examinons maintenant ceux qui ont eu — et qui ont encore — la fierté de posséder cette ferme.

Dans ce chapitre, nous distinguerons deux périodes, la première pendant le temps de la seigneurie, la seconde, à partir de 1808, quand Louis Arzac Seignette devint acquéreur d’un domaine ayant perdu son titre de noble logis.

1️⃣ Du temps de la seigneurie
Avant 1513, François Rouault

Jusqu’à cette année 1513, la ferme et les terres environnantes appartiennent au seigneur d’Aytré, François Rouault. Ce dernier possède la seigneurie du même nom, au sud-est de ce bourg.

François serait parent des Rouault, grande famille de la noblesse française. Son plus illustre représentant est Joaquim (1409-1478), maréchal de France. Ce dernier porte le prénom de son oncle, le célèbre poète Joaquim du Bellay.

Par une déformation ancienne, la seigneurie des Rouault se situait rue des Réaux à Aytré. Les vieux bâtiments ont été rasés pour laisser place à une école d’éducation spécialisée, l’ADEI 17.

L’ancienne seigneurie des Réaux à Aytré. Image IGN Géoportail

On l’a vu plus haut, Louis XIII avait pris sa résidence dans ce logis noble.

À partir de 1513, Méry Rondeau

Cette année-là, François Rouault cède ses terres d’Aytré et d’Angoulins à Méry Rondeau, bourgeois protestant de La Rochelle. En avril 1522, il en est le maire sous le titre de « sieur des Rouhauls ».

Il engage de lourds travaux sur le canal du pont de la Pierre. En effet, l’état du coi ne permet plus de faire du commerce. Il reconstruit le port de La Vinette.

Pour le remercier, la princesse de Châtelaillon anoblie son logis en 1523. En plus du titre de premier seigneur du Pont de la Pierre, il n’aura pas à lui payer les droits de pacage et de pâturage. Toujours ça de pris comme disait ma grand-mère !

ℹ️ Lire aussi : les seigneuries

Petit aparté sur la principauté de Châtelaillon

La princesse de Châtelaillon est Jeanne de Hochberg. Issue de la maison de Bade-Sausenberg-Hochberg (Allemagne), elle est née vers 1485. Mère de quatre enfants, elle possède des fiefs en Bourgogne, dont le château d’Époisses où elle est décédée en 1543.

Ce village de Côtes d’Or est réputé pour son château et son fromage, élu le meilleur du monde en 2023. Cocorico, il fallait le dire !

Le « modeste » château d’Epoisses montre la puissance de cette famille. Image Association du Château d’Epoisses — Licence CC BY-SA 4.0

Depuis 1516, elle est la veuve de Louis 1ᵉʳ d’Orléans-Longueville. Attention, ce n’est pas de la « quiche » notre Loulou : il est duc de Longueville, évidemment prince de Châtelaillon, marquis de Rothelin, comte de Neuchâtel, de Dunois, de Tancarville et de Montgomery, vicomte de Melun, baron de Varenguebec, grand chambellan de France, gouverneur de Provence. Son rôle diplomatique dans l’histoire de France et son habileté politique sont indéniables. Il meurt en 1516, dans son château de Beaugency (Loiret). Fin de l’aparté !

1531, Jean et Anne Rondeau

Après le décès de Méry Rondeau, la seigneurie appartient à ses enfants, Jean et Anne Rondeau. Comme son père, Jean est élu maire de La Rochelle en avril 1551 sous le titre « d’écuyer, sieur des Rouhauls », mais bizarrement, pas sous celui « du Pont de la Pierre ». Le seigneur serait-il Pierre Augeau, l’époux d’Anne ? Bonne question.

1581, les héritiers des Rondeau

Cet héritage est à chercher du côté des femmes, les deux filles de Jean et Anne Rondeau, Catherine et Jeanne : la première se marie avec Jean Berne dont nous avons fait la connaissance plus haut. La seconde avec Joseph Audouard.
Le partage est ainsi fait :
• Les enfants de Catherine et Jean, Jeanne et Louis, reçoivent un quart chacun ;
• Jeanne et son époux Joseph Audouard, l’autre moitié.

La majorité de parts de Joseph lui permet de revendiquer le titre de seigneur, mais le couple n’habite pas sur place. Il afferme ses 50% à son neveu Louis et François Lhommedieu. Ses ambitions politiques pour la ville de Niort (il en sera le maire en 1592), l’amène à renoncer à son titre seigneurial au profit de Louis. Patiemment, ce dernier parvient à racheter la totalité de la seigneurie.

Vers 1600, Louis Berne

Louis est négociant. Il est élu maire de La Rochelle le 6 avril 1603 puis de nouveau le 6 avril 1614 à chaque fois sous le titre de « seigneur du Pont de la Pierre ».

Vers 1620, son fils Jean Berne

Au décès de Louis, la seigneurie échoue à son fils Jean. Depuis cinq ans, Jean est le seigneur de Jousseran, maison noble dans le bourg d’Angoulins. En devenant celui du Pont de la Pierre, Jean peut se prévaloir du titre de « seigneur d’Angoulins ». Il s’en glorifie d’ailleurs, car il signe « Angoulins » plutôt que Berne ! Comme son père, Jean est élu maire de La Rochelle en avril 1619 pour une année. Il est échevin du maire Jean Guiton pendant le siège de La Rochelle en 1627-1628, dont il est le négociateur pour la reddition.

1635, Mounereau Berne

Au décès de Jean en octobre 1635, le titre et les biens reviennent à l’un de ses six enfants, Mounereau.

Prénom étrange, Mounereau est en réalité le nom de naissance de sa mère.

1651, René et Jeanne de La Varenne

En juin 1651, Mounereau donne la seigneurie du Pont de la Pierre en dot du mariage de sa sœur Jeanne avec le sieur René de La Varenne.
En 1667, Mounereau afferme sa maison de Jousseran. Trois ans plus tard, en juin 1670, il rend l’âme et est inhumé au cimetière protestant de l’église Saint-Sauveur de La Rochelle.

1670, les descendants Berne

Au décès de René de La Varenne, son fils Elie lui succède. Ce dernier meurt en 1665, sa veuve Marguerite Desvillates et leurs deux filles Angélique et Bénigne prennent la suite. Cette dernière se marie en 1684 avec Alexandre Jaudouin, seigneur de Marmande.

Alexandre est dénué d’intérêt pour Le Pont de la Pierre. Il habite en Vendée, au château de Passy, situé à proximité du village de Corpe (8 km au nord de Luçon). Ainsi, en 1722, il loue la ferme à Jean Renaudin, marchand de La Rochelle, mais ce dernier meurt quelques mois plus tard.

Quelques années s’écoulent. Vers 1730, Bégnine Jaudouin, la fille d’Alexandre et Bégnine, et son époux Jacques Ménard héritent de la seigneurie. Leur fils François Henry lui succède. En 1785, son gendre et cousin de la famille — il porte le même nom — François Germanicus Bonaventure Maynard et son épouse Bénigne Maynard rendent hommage pour la haute justice, terre et seigneurie du Pont de la Pierre au dernier seigneur d’Angoulins, Henry de Bertin.

François Germanicus est le dernier seigneur du Pont de la Pierre. La Révolution arrive, mais la famille reste en France. Il meurt en 1797, sa femme en 1801. La ferme est immense avec ses 100 hectares de terre. Mais, étonnamment, sa valeur est faible. Elle est partagée entre les héritiers du couple.

De ce partage, les bâtiments et les terres, les prés, les marais et les vignes échoient à son fils, le comte François Bonaventure Germanicus Bénigne Maynard. Il habite le château de la Baugisière près de Fontenay-le-Comte, qui appartient à son épouse, Jeanne Racodet de La Guillemandière. Joli monde…

2️⃣ Après la seigneurie

Lors de mes recherches sur cette période, j’ai souvent lu le terme de « cabane » au lieu de « ferme ». Dans nos contrées, la cabane désigne une petite exploitation agricole à cheval entre les terres labourables et les marais. Dans la toponymie de notre territoire, il en existe encore quelques-unes : la Cabane Brûlée, la Cabane Pourrie, la Cabane Rouge, etc.

1808, Louis Arzac Seignette

En octobre de cette année, Monsieur le comte est venu spécialement de Vendée pour signer, chez Maître Hérard de La Rochelle, l’acte de vente au profit de Louis Arzac Seignette. Ce riche bourgeois de La Rochelle, propriétaire de nombreux biens sur Angoulins, semble toujours à la recherche d’une belle opportunité.

Le domaine comprend une maison de maître, jardins, ouches et autres bâtiments de servitude. Cent hectares de terre, prés, marais, vignes, une sablière et une garenne, en tout dix-sept articles, sont listés dans l’acte notarié.

Ici, la sablière est la dune située entre la ferme et la mer dont on extrayait le sable pour les besoins locaux. Une garenne est un terrain dont le propriétaire s’est réservé un droit de chasse (ou de pêche). C’est aussi un endroit abondant en lapins.

1835, sa fille Camille Seignette

Louis décède le 19 juin 1825. Au partage de sa succession en 1835, sa fille Camille obtient le lot numéro deux comprenant la ferme.

Louis Arzac a eu trois filles, Elisa, Camille et Arzane. Elles reçoivent chacune un lot. Il a fallu dix ans à la famille pour régler la succession. Peut-être parce que l’aînée, Elisa, a requis le Tribunal civil à plusieurs reprises pour sortir de l’indivision… On s’entend bien dans la famille !

Elisa (28 ans), Arzane (21) et Camille Seignette (26). Chaque nœud a sa couleur, permettant de les distinguer. La biche symbolise la pureté. Tableau de 1837 peint par André Brossard, musées d’Art et d’Histoire de La Rochelle

Camille est la seconde fille de Louis. La maman est Marguerite Ladame, marchande de mode originaire de Paris. Le couple n’est pas encore marié lorsqu’elle naît à La Rochelle en 1811. Hum hum ! Elle sera reconnue lors de leur union célébrée, à la mairie de La Rochelle, le 6 octobre 1815. Ah !

Camille épouse, en septembre 1831, Théodore Callot, négociant Rochelais. Pendant tout le temps de sa détention, le couple loue la ferme à un cultivateur.

Lorsque son bail prend fin, le cultivateur annonce généralement par voie de presse la vente aux enchères de ses bestiaux et de ses instruments aratoires. J’en ai retrouvé une datant de septembre 1853 : on y trouve des bœufs, des veaux, une jument de trait, des poulains et des pouliches, un troupeau de brebis et moutons de 130 têtes, charrettes, charrues, herses, plusieurs harnais et autres objets, etc.

Théodore meurt en juillet 1871. En fin d’année, un jugement du Tribunal civil autorise la Compagnie des chemins de fer des Charentes l’achat par expropriation de quelques parcelles de terre du domaine pour la construction de la nouvelle ligne reliant La Rochelle à Rochefort.

En 1881, Camille décède et laisse pour héritiers ses deux garçons, Tony, âgé de 49 ans, et Ernest, 41 ans.

Comme les Seignette, les Callot font partie des notables catholiques influents de La Rochelle. Une estimable famille au service de la collectivité.
Le frère de Théodore, Pierre Simon, est maire de La Rochelle de 1830 à 1834. Il a écrit une biographie sur Jean Guiton, maire pendant le siège de 1627, ainsi qu’une histoire du protestantisme Rochelais. En 1842, sa fille Julie épouse Eugène Dor, contrôleur des contributions directes, également maire de 1879 à 1883.
Mais, patientez, ce n’est pas fini…

1886, Tony Callot

Cinq ans ont été nécessaires pour liquider le partage entre les deux frères. Comme le fut celle de son père, la succession de Camille Seignette est divisée en deux lots. Tony obtient la ferme et ses terres.

Celui-ci a fait une carrière dans l’administration des Douanes, où il a fini au grade de commissaire. Il est mort à Paris en 1902, célibataire, sans enfant. Il n’a pas laissé de testament.

1902, son frère, Ernest

Le seul héritier de Tony est donc son frère Ernest. Il est né le 9 avril 1840 à La Rochelle. Depuis 1871, il est marié à sa cousine Thérèse Dor, la fille d’Eugène, vu précédemment.

Marcou Callot et Agathe Berteaud, les grands-parents d’Ernest, sont les arrières grands-parents de Thérèse.

Le parcours intellectuel, professionnel et « sportif » d’Ernest mérite de s’y attarder un moment.

Fin lettré en grec et latin, il est le traducteur des sept tragédies de Sophocle. La poésie est sa grande passion, il en a même écrit. Il dirige de 1870 à 1883 la Société d’archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis (elle existe toujours). Le peintre et écrivain Eugène Fromentin est un ami proche. Ses activités sont couronnées par le grade d’officier de l’Instruction Publique.

Ingénieur des mines de formation, il dirige des compagnies financières, banque et assurance, dont la Caisse d’épargne. Il appartient à de nombreux conseils d’administration, comme l’Union Fédérale, société de secours mutuels fondée à La Rochelle à l’initiative de son premier président, le sénateur Auguste Calvet. Cette assurance protège les agriculteurs et leur exploitation. Elle déménagea à Paris pour devenir la Caisse Nationale des Agriculteurs, prémices de la Mutualité Sociale Agricole.
Ernest est secrétaire général de la Société nationale d’Encouragement à l’Agriculture, dont il est membre. Au titre de ces engagements, il est fait Chevalier du Mérite agricole.

Quant aux sports, il préside, après la guerre avec la Prusse (1870), la jeune société de gymnastique « La Rochelaise ». Il contribue avec le professeur Ferdinand Kuentz à « régénérer et former des hommes forts, capables de reconquérir l’Alsace et La Lorraine ».
En 1879, il est à la tête de l’Union des sociétés de gymnastique de France, ancêtre de la Fédération Française de Gymnastique.

L’apogée de cet engagement dans le monde du sport arrive en 1894. Ernest et Pierre de Coubertin unissent leurs énergies pour mettre sur pied le congrès international de Paris pour le rétablissement des Jeux olympiques. Du 16 au 23 juin, ce premier congrès institue les JO modernes et le Comité International olympique. Ernest en est le trésorier de 1894 à 1909. Les deux seuls représentants de la France sont reconnus comme faisant partie des treize membres fondateurs du CIO.

Le 26 mai 1910, un drame frappe durement la famille. Le sous-marin Pluviôse, commandé par son fils Maurice, navigue au large du port de Calais. Il est percuté par un paquebot, et coule immédiatement. Aucun marin ne survit, l’accident fait 27 victimes. Une rue de La Pallice à La Rochelle lui rend hommage, la rue du Commandant Callot.

Ernest et son épouse ne parviendront pas à faire le deuil de ce fils. Il meurt le 30 décembre 1912, à son domicile parisien du 160 boulevard Malesherbes, dans le XVIIᵉ arrondissement. Le lendemain, il est inhumé au cimetière du Montparnasse. Son épouse Thérèse décède en 1932, en Vendée.

Vers 1909. Félix Ernest Callot, éminent propriétaire de la ferme du Pont de la Pierre. Image Wikipédia

Pour l’histoire, son fils, Henri Callot, est médaillé d’argent en escrime aux premiers JO modernes d’Athènes de 1896. Il est aussi un peintre reconnu.


Deux années avant son décès, Ernest met en vente le domaine. Il publie deux annonces, la première en juin 1910, puis la seconde en septembre 1911. Deux possibilités s’offrent aux intéressés : la vente à l’amiable ou l’affermage. Finalement, il y aura trois acheteurs, deux pour des parcelles et un pour les bâtiments avec 30 hectares de terre.

1910, André Carteau achète une (grande) parcelle de terre

L’acte est signé chez Maître Thibault de La Rochelle le 15 juillet. La cession concerne une grande pièce de terre de presque six hectares située au nord du chemin longeant la ferme, dans le marais du Pont de la Pierre.

Cette parcelle est aujourd’hui le centre équestre de la Petite Ecurie.

André est bien connu des Angoulinois. Il est marié depuis 1903 à Adélaïde Lhoumeau. Ils sont tous les deux issus d’anciennes familles du village. Le couple habite la ferme de Bel Air, chemin de Toucharé. Une fille naît de leur union, Marguerite, que nos anciens ont bien connu au catéchisme.

1911, Joseph Grasset, cinq parcelles

L’année suivante, le 30 juillet, Ernest et son épouse, restés à Paris, sont représentés par le clerc du notaire Maître Thibault. Cette fois-ci, cinq parcelles de terre d’une superficie proche de cinq hectares changent de main. Elles sont situées autour de la ferme, aux Patarins (vers la gare), à la Montée, en face du moulin du Pont de la Pierre. Plus un ancien marais salant en prise sur la mer, côté Aytré, d’une superficie de huit hectares.

Cet ancien marais est ce grand terrain rendu à la nature entre la cale de la Barbette et le petit pont de bois sur le chemin littoral.

Joseph Grasset est cultivateur. Il est né à Angoulins en 1866. Ses parents et grands-parents sont originaires de Périgny et de La Jarrie.

Il a épousé en 1893 à la mairie d’Angoulins, Louise Cardinaud, née en 1871. Elle est issue d’une grande famille connue et reconnue. En 1911, ils habitent la ferme du moulin du Pont de la Pierre, héritage des parents de Louise. Ils ont trois enfants : Edmond (né en 1894), Elisabeth (1898) et Marcelle (1904).

Faut-il rappeler le destin tragique d’Edmond Grasset, instituteur, journaliste, homme politique et résistant pendant la Seconde Guerre mondiale ? En mai 1944, il est arrêté à Paris par la milice et fusillé le 8, un an jour pour jour avant l’Armistice. Désigné pour être préfet de notre département à la Libération par le Conseil National de la Résistance, les villes d’Angoulins, Aytré et La Rochelle lui rendent hommage en baptisant une avenue à son nom.
Sa sœur Elisabeth est décédée très jeune, à l’âge de 19 ans. Je vous parlerai un peu plus loin de Marcelle.

Edmond Grasset, années 1920. Image BnF

Revenons à notre vente. Une idée trotte dans la tête de Joseph. L’occasion est trop belle : cette transaction lui permet d’étoffer la superficie de sa ferme du moulin. Ernest consent à étaler sur trois ans les 8 400 francs du prix des parcelles. Faute de moyens, la maison du Pont de la Pierre n’est pas à sa portée. Mais, comme le dit le dicton, tout vient à point à qui sait attendre…

L’équipement de la ferme

Observons un instant l’équipement de la ferme. En 1911, le locataire est Alexandre Granger, 49 ans, d’Aytré. Il va devoir quitter les lieux, son travail cessera à la Saint-Michel, le 29 septembre.

Cet équipement montre une activité principalement axée sur les cultures et la vigne, malgré le phylloxéra de 1875. Elle est plutôt bien pourvue.

Ce dimanche 24 septembre, la vente est chapeautée par un commissaire-priseur. 14 bêtes (bovins, chevaux et juments), des charrettes, une moissonneuse-lieuse, une faucheuse, du foin en quantité considérable, un manège à battre, 17 barriques de 600 litres chacune, un pulvérisateur, et autres objets divers partent vers une nouvelle vie, dans d’autres fermes…

1911, le domaine échoit aux Boucard

En décembre, Auguste Boucard (72 ans) et son fils Georges (42 ans) ont rendez-vous chez Maître Thibault, qui doit commencer à bien connaître Angoulins !

Douze lots composent l’acte notarié, les bâtiments de la ferme et onze parcelles de terre, six situées à proximité, deux aux Patarins et trois aux Russons. Soit la modeste superficie de 29 hectares. Le tout est payé comptant 35 000 francs à la vue du notaire. Un bon petit paquet de billets.

On est loin des cent hectares achetés par Louis Arzac Seignette en 1808. La ferme a été dépossédée de ses terres au fil des décennies.

Le père et son fils sont étrangers du village. Ils sont originaires de Puyravault près de Surgères. En décembre de l’année suivante, ils installent un fermier, Pierre Gaillard, dont le bail échoit en 1917, voire 1920 si entente. Le loyer est de 2 430 francs par an, dont ils vont peu profiter.

1913, Léon et Camille Tillier

En effet, en cette année 1913, la ferme change de propriétaire. L’acte est signé chez Maître Menon de La Rochelle le 10 septembre. La composition des biens est pratiquement la même qu’en 1911. Juste une différence, les trois parcelles des Russons (1 ha et demi) ne figurent pas sur la vente.

Les acquéreurs sont plus investisseurs que cultivateurs. Ils sont tous deux Vendéens, du Magny à côté de Sainte-Hermine. Léon Tillier, 67 ans, est avoué honoraire à la Cour d’appel de Poitiers. Son épouse, Camille Bally, a 10 ans de moins. Le papa, Pierre Bally, est un ingénieur et un important entrepreneur. Vers les années 1860, il est le patron de la société Bally et Cie, entreprise chargée de l’exploitation des houillères et de la verrerie du bassin minier de Faymoreau-Puy-de-Serre, à l’est de la Vendée. Il a été le maire de cette commune.

Pour les curieux, l’ancien bassin minier de Faymoreau se visite, il est à 1 heure 15 d’Angoulins.

Le couple Tillier devient propriétaire, mais sans jouissance des lieux. Ils doivent respecter le bail en cours dont ils percevront cependant les revenus. Une autre condition impose le règlement d’une assurance auprès de la Caisse Nationale des Agriculteurs (rappelez-vous, créée par Ernest Callot).
Les Boucard ont fait une bonne affaire, la ferme est vendue 48 000 francs, soit 13 000 francs de plus-values en deux ans.

1921, Joseph Grasset, enfin !

La patience paie toujours. Léon Tillier cède la ferme à Joseph. Il n’a pas fait de publicité, un accord de cession semble exister entre les deux. En cette fin d’année, le 30 décembre, Maître Menon de La Rochelle n’a plus qu’à reprendre les termes de l’acte de 1913, car la superficie des terres n’a pas changé (27,7 hectares).

Le prix à payer est de 82 000 francs, mais avec la guerre, la valeur de la ferme a baissé. Le vendeur consent un étalement du paiement : 5 000 francs comptant, 17 000 francs dans un an, et le reste, 60 000 francs, au plus tard le 12 décembre 1924, avec un intérêt de 6,70% et une hypothèque en garantie.

🥂 Joyeux anniversaire !
Tenant compte de cet accord financier, la ferme est la propriété de la famille Grasset depuis exactement 100 ans.

En 1920, Léon Tillier avait confié le fermage à Charles Cardin, 44 ans, et son épouse Mélina Gouin. Le bail court jusqu’en 1932, mais il peut être dénoncé à partir de la sixième année. Ce sera le cas, le 26 septembre 1926, Charles se sépare de ses bêtes et de tout le matériel de l’exploitation de la « cabane ».

Le Courrier de La Rochelle, 28 juillet 1926
1937, le partage entre les héritiers

Joseph Grasset meurt le 6 octobre 1937. Veuf depuis 1915, il laisse pour héritiers ses deux enfants, Edmond et Marcelle.

Edmond a épousé, en 1927, Françoise Eyrolle, originaire de Gironde. Un fils est né en 1933, Bernard. Celui-ci fait carrière dans la « Préfectorale ». Ancien patron de la police, il devient l’adjoint de Michel Crépeau, puis député, et enfin maire de Rochefort. En 2024, il est fait citoyen d’honneur de La Rochelle.
Marcelle est l’épouse de Louis Thoreau depuis 1929. De cette union, Raymonde est née en 1932. Tous les deux vont rester sur place, et exploiter les terres et le bétail.

Les biens du partage sont conséquents : la ferme, celle du moulin (petit rappel, l’héritage laissé par leur mère Louise Cardinaud) et 40 hectares de terre et de prés. S’en séparer n’est pas envisagé, la solution est donc de partager.

Vers 1920, une représentation de la ferme du moulin du Pont de la Pierre. Au dos, « Angoulins, moulin abandonné, approche de l’orage ». Auteur inconnu. Collection privée
Sous cet angle, on reconnaît bien le moulin du tableau. Photo personnelle

59 références cadastrales composent le partage. Le 10 novembre, deux personnalités d’Angoulins assistent Edmond et Marcelle pour réussir cette tâche : Julien Senet, 74 ans, propriétaire, ancien cultivateur, et Pierre Lhoumeau, 59 ans, également du métier, ancien locataire de la ferme des Veaux Verts.

Deux lots de contenance égale (20,4 hectares) sont constitués. Le premier comprend la moitié de la ferme du Pont de la Pierre, 3 prés et 12 pièces de terre. Le second inclut l’autre moitié de la ferme, 5 prés, 22 pièces de terre et les bâtiments du moulin.

Des lignes de partage — au centimètre près ! — sont définies dans l’accord. Un géomètre en fera un relevé pour l’administration. De nouvelles références cadastrales sont créées pour l’occasion.

Cadastre de 1948. Une ligne partage désormais la ferme en deux et la grande parcelle derrière. Source AD17 3495W0072

Le 5 janvier 1938 est le jour du tirage au sort des lots. Le numéro un échoit à Marcelle, le deux à Edmond. Un acte notarié scelle dans le marbre ce partage le 9 février chez Maître Tabard de La Rochelle.

Depuis le partage
Le lot numéro 1

Marcelle et Louis s’occupent de la ferme. Il meurt en 1956, la laissant gérer l’exploitation, aidée de ses enfants. À son décès en février 1986, sa fille Raymonde s’occupe des vaches laitières jusqu’au moment de sa retraite en 1991. Les cultures sont assurées par Bernard Praud, le propriétaire de l’autre partie, jusqu’à son départ à la retraite en 1996.

En 2003, les enfants de Raymonde héritent. Ils en sont toujours les propriétaires et bailleurs.

Le lot numéro 2

Après la cruelle exécution d’Edmond à Paris, ses deux enfants, Christiane et Bernard, héritent de ce lot. L’ensemble, ferme et moulin, est affermé. En 1958, le locataire est Bernard Praud. Ses parents exploitaient auparavant le domaine de la Moulinette à Aytré, aujourd’hui le centre équestre de l’agglomération Rochelaise.

Au début des années 1970, Bernard Praud rachète la ferme, mais sans le moulin, faute de moyens suffisants. Il y construit sa maison. Au même moment, Christiane et Bernard Grasset se séparent du moulin. Il devient plus tard un gîte de vacances. Vers 2019, il est revendu. Les bâtiments sont rasés, une petite résidence est construite autour du moulin rénové.


Depuis le début de ce nouveau millénaire, d’autres agriculteurs, venus de villages voisins, ont pris le relais pour travailler cette terre. Jamais elle n’a cessé d’offrir ses ressources naturelles qui nourrissent les hommes génération après génération.
Depuis, la ferme du Pont de la Pierre connaît cette quiétude qu’elle n’a jamais connue.


Documentation
Archives départementales de La Rochelle

Recherches de Jean Joguet, archiviste à La Rochelle
Claude Torchon, historien d’Angoulins
Denis Briand, La seigneurie de Jousseran : Description et essai de localisation, novembre 2003
Frédéric Chassebœuf, « Châteaux, manoirs et logis de Charente-Maritime », 2008, Patrimoine Médias
Wikipédia, internet