Remerciements
Cet article n’aurait pas la précision voulue sans le précieux concours apporté par Monsieur Hubert Bonneaux, le dernier commandant de « l’établissement du matériel, groupement technique d’Angoulins-sur-Mer » ainsi nommé avant sa fermeture survenue en l’an 2000. Encore une fois, mon cousin Raymond Normand m’a ouvert une porte inconnue. Un grand merci mon Commandant et merci Raymond !
Le génie s’installe en 1948 aux Patarins
L’entrepôt de réserve générale du génie voit le jour par décret du 19 juillet 1948 paru au Journal Officiel. Il est affecté au département des forces armées (guerre) du ministère de Pierre-Henri Teitgen (1928-1997) du gouvernement de Robert Schumann (1886-1963). Soyons précis !
Comme l’indique ce décret, il remplace un ancien parc de stockage situé au lieu-dit Les Patarins, derrière la gare ferroviaire. Ce parc est depuis mai 1940 la propriété du ministère de la Défense et de la Guerre.
Auparavant, les lieux étaient occupés depuis 1927 par les établissements Gaillard, grande entreprise nationale dont le siège est à Béziers. En 1930, cette grande compagnie crée un atelier dont la mission est le créosotage de poteaux télégraphiques et de traverses ferroviaires, afin de rendre le bois imputrescible.
ℹ️ Lire aussi : l’atelier des Établissements Gaillard
Quelques dates
Au gré de réformes successives, l’entrepôt connaît différentes dénominations, mais les vieux Angoulinois se souviennent d’une seule : le camp du génie. Par facilité, j’utiliserai cette dénomination pour la suite.
- 1948 : création par décret ;
- 1968 : le camp devient le Dépôt Annexe du Matériel puis Atelier Détaché du Matériel rattaché à l’Établissement Régional du Matériel (ERM) de Vayres (près de Bordeaux) ;
- 1ᵉʳ janvier 1969 : rattachement à l’Établissement de Réserve Générale du Matériel (ERGM) de Poitiers ;
- 1ᵉʳ janvier 1976 : l’atelier détaché devient annexe de l’ERM de Poitiers ;
- 10 janvier 1994 : l’annexe devient Groupement de l’ERM de Poitiers ;
- Juillet 1998 : annonce de la dissolution en l’an 2000 ;
- 2000 : fermeture définitive du camp du génie.
Les missions du camp du génie
1️⃣ Soutien technique aux régiments de proximité et à un centre de formation
Le camp du génie assure le soutien technique des formations implantées dans la garnison de La Rochelle, à savoir le 503ᵉ et le 519ᵉ régiment du Train.
- 503ᵉ Régiment du Train (armée de Terre)
Héritier des escadrons hippomobiles du train du Maroc, le transport 503 est mis sur pied le 16 octobre 1943. Il devient le 503ᵉ RT en 1978.
Engagé depuis sur de nombreuses opérations extérieures, il est stationné successivement à La Rochelle puis Martignas-sur-Jalle, avant de s’installer le 1er juillet 2011 au quartier militaire de Nîmes-Garons.
Au 1ᵉʳ semestre 2019, le régiment a projeté 385 soldats sur 6 théâtres majeurs (Mali, Tchad, Liban, Côte d’Ivoire, Polynésie française et Estonie). La majorité du personnel composait le groupement tactique logistique de l’opération Barkhane au Mali.
L’étendard du 503ᵉ RT est décoré de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures avec 2 étoiles d’argent et porte en ses plis les noms d’Italie 1944, Indochine 1947-1954 et AFN 1952-1962.
Sa devise en latin est : « Labor omnia vincit », « Par l’effort, la victoire toujours ».
(Source Ministère des Armées)
- 519ᵉ Régiment du Train, anciennement 519ᵉ groupe de Transit Maritime (armée de Terre)
Le 519ᵉ groupe de transit maritime retrouve son ancienne appellation de « régiment du train » qu’il a porté à sa création le 1ᵉʳ avril 1946 à Saïgon au sud du Vietnam. Il intègre par la suite le peloton amphibie ainsi que la 2ᵉ compagnie de transport de Légion étrangère de 1948 à 1949. Le 2ᵉ escadron portuaire est aujourd’hui l’héritier des traditions de la 2ᵉ compagnie de transport de la légion étrangère. Il porte fièrement sur son fanion la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures avec étoile d’argent, remise après l’attribution d’une citation collective du 9 octobre 1953, en récompense de son action en Indochine. Le régiment est ensuite dissout en 1953.
Puis il change plusieurs fois d’appellation de 1956 à 1961 et est ensuite dissout à Sissonne (Aisne) en 1962.
Parallèlement, la 311ᵉ compagnie de transbordement dotée de matériels amphibies est créée. En 1964, s’ensuit la création du 1ᵉʳ bataillon autonome de transit maritime à Cherbourg. Il s’installe ensuite à La Rochelle en 1967. En 1977, le 1ᵉʳ bataillon autonome de transit maritime devient le 519ᵉ groupe autonome de transit maritime puis le 519ᵉ régiment du train en 1981.
Enfin, il est dissout en 2011 et voit la création de l’actuel 519ᵉ groupe de transit maritime à Toulon qui conserve un détachement à La Rochelle.
(Source Ministère des Armées)
- Le CMPF, Centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte
La formation militaire est assurée par cet établissement d’importance situé en Vendée. C’est aujourd’hui une unité de reconversion pour le personnel rendu à la vie civile.
2️⃣ Gestion des parcs
Le camp du génie gère le stockage des matériels en réserve et l’élimination des déclassés. Il est relié à la voie ferrée, assurant ainsi une certaine facilité pour la manutention.
L’élimination est possible grâce aux ventes domaniales, environ quatre par an. Les intéressés viennent sur place examiner les différents matériels. Les enchères se déroulent ensuite dans la salle municipale de Tasdon (quartier de La Rochelle) sous le ferme marteau du commissaire-priseur des Domaines.
3️⃣ Établissement de marque
Le camp du génie prend en charge les matériels de transbordement maritime mis en œuvre par le 519e Régiment du Train. Il inspecte, répare, rénove, adapte aux nouvelles exigences et parfois met à « hauteur », c’est-à-dire que le véhicule subit une mise à niveau pour que sa reconversion dans le civil soit une réussite (financière notamment). Cette compétence assure aux ateliers la reconnaissance d’établissement de « marque ».
Le portefeuille est conséquent. Il faut maintenir en état de fonctionnement 450 véhicules automobiles dont 295 gros porteurs, 76 engins (grues, chariots élévateurs et engins amphibies).
Les moyens affectés au camp du génie
Le personnel
Dans les années 1990, le commandant Bonneaux avait sous ses ordres 50 personnes :
• 27 militaires : 2 officiers, 7 sous-officiers, 14 militaires du rang appelés, 4 brigadiers-chefs engagés.
• Et 23 civils : 1 cadre de catégorie A, 2 employés de catégorie C et 20 ouvriers spécialisés.
• La sécurité est assurée par des maitres-chien (militaire). Les chiens avaient leur chenil au fond du camp.
Le passage d’appelés au camp du génie a eu pour issue heureuse des mariages célébrés à la mairie : mon parrain Roger Le Run (1929-2007), originaire de Bretagne, a fait son service ici, il a rencontré ma cousine Danièle Guichard (1935-2015), descendante de la famille du même nom, des industriels qui ont donné deux maires à la commune.
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De même pour Jean Guihard (1930-2019), maçon également originaire de Bretagne, ancienne famille habitant les Cinq Quartiers et son proche voisin Robert Bouëdec, encore un Breton !
L’infrastructure
L’emprise du camp du génie est d’environ 10 hectares. Plusieurs zones sont bien identifiées :
• Une zone, à l’entrée, pour loger les familles : 6 pavillons et un bâtiment de trois logements ;
• Une zone de commandement et de casernement ;
• Une zone technique réservée aux ateliers de réparation (approximativement 12 000 m²) ;
• Une zone de stockage, pourvue d’un embranchement particulier SNCF ;
L’ensemble dispose d’un réseau privé d’eau avec château et une alimentation électrique avec transformateur dédié.
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Les réformes et la fermeture
Présenté en juillet 1989 par le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement, le projet « Armées 2000 » redessine profondément la carte militaire de la France.
La conséquence de ce projet est une succession de réformes de l’Armée de Terre. Le plan de charges du camp du génie va entraîner une baisse des activités techniques. La fermeture du camp est annoncée en juillet 1998, l’unité est dissoute en 2000. La fermeture est un coup dur pour Angoulins, sa présence pendant plus de 50 années n’a pas été neutre sur l’économie locale.
En 2002, les bâtiments sont rasés, le terrain devient une friche et est racheté par la Communauté d’Agglomération de La Rochelle.
La reconversion et les projets
La friche nord a été remise à l’état de nature, en vertu de la politique de la CDA de compensation écologique et environnementale des nouvelles opérations d’urbanisme.
Le terrain est aujourd’hui dépollué et une petite « armée » est de retour : des moutons sont chargés de l’entretien !
La commue a acté le rachat de la friche sud et projette un aménagement naturel, éventuellement le transfert du terrain de football. Affaire à suivre !
Quelques photos
Documentation
Archives personnelles de Monsieur Hubert Bonneaux
Mémoire en Images, Angoulins, Denis Briand, éditions Alan Sutton, 2008
Géoportail
Site internet du ministère des Armées
Wikipédia
Photos personnelles et familiales