
Un site d’une richesse exceptionnelle
En cet endroit d’Angoulins, le Chay (autrefois Ché, parfois Chaix) est cette presqu’île aux falaises calcaires qui s’élance, du haut de ses 12 mètres, dans l’océan. Son périmètre ressemble à une tête de marteau et va de la Barbette au nord jusqu’à la pointe de la Belette au sud. L’ensemble s’appelle pointe du Chay. Elle jouit d’une vraie renommée qui s’étend bien au-delà de notre village. Renommée scientifique, les géologues, dûment autorisés à gratouiller, ont ici un terrain de jeu incroyable. Renommée économique, depuis des millénaires, les marais tout proche ont apporter des moyens de subsistance à tous ceux qui ont su les exploiter. Renommée touristique, cette pointe est un cadre de choix pour des vacances réussies et pour les angoulinois, des balades dont ils ne se lassent jamais.

Un paradis géologique et écologique
Le Chay est essentiellement composé de falaises calcaires, de marnes et d’argile dont l’âge est estimé à 150 millions d’années. La plage de la Platère (parfois écrit Platerre) doit son existence à la séparation des pointes de la Belette et des Chirats il y a bien longtemps et un apport par l’océan en sable.
Tel un mille-feuille géant, ses couches sédimentaires se sont formées au fond de l’océan. Au Crétacé (-145 à -66 millions d’années), cet immense gâteau sort de terre. On n’ose imaginer le nombre de bougies qu’il a fallu souffler pour en arriver là !
De cette mémoire sédimentaire étudiée par de grands scientifiques dont Alcide d’Orbigny, et suivant l’époque de formation, différentes formes de vie sont visibles : coraux, coquillages communs (huîtres, moules), fossiles d’animaux marins d’une grande variété, poissons, requins, etc.

La zone est – doublement – référencée à l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) :
• Pour ses formations récifales kimméridgiennes, pendant 5 millions d’années à l’époque du Jurassique supérieur (-157 à -152 millions d’années). Autrement dit, pour la variété de ses fossiles coralliens et de sa faune issue des fonds de la mer.
• Pour sa pelouse sèche, le site est classé en ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique). Des plans de sauvegardes sont envisagés car l’érosion inexorable de la falaise menace quinze espèces végétales protégées :















Les espèces les plus rares poussent au bord de la falaise, elles sont donc menacées par l’éboulement et le piétinement.
Site internet de la mairie d’Angoulins
Apprenez à découvrir ces végétaux, observez les, photographiez les à votre gré mais surtout ne les cueillez pas !

L’île Bazauges et l’église Saint-Nazaire
L’histoire d’Angoulins est celle de deux quartiers : le premier, le bourg et son église Saint-Pierre-ès-Liens et le deuxième, un quartier maritime, l’île Bazauges, situé au sud-est de la pointe du Chay, vers la pointe des Chirats. Avant l’an mil, une église dédiée à Saint-Nazaire se tenait fièrement sur un promontoire. La puissance de l’océan a eu raison d’elle, contraignant la population a se rapatrier vers le bourg. Nulle trace n’est visible aujourd’hui.
ℹ️ Lire aussi : Angoulins à toute berzingue
En 1875, preuve de cet habitat humain très ancien, une nécropole fut identifiée par l’abbé Simon Eugène Théophile Mongis (La Rochelle 1842 – Fouras 1905) avant que l’océan, une nouvelle fois, n’efface cette mémoire du passé. Passionné par les légendes populaires, l’abbé Mongis fut curé d’Angoulins de 1871 à 1878.
De ces légendes, une concerne notre pointe du Chay, la bête Rô.

Un lieu de surveillance et de défense stratégique
Au XVIIIe et XIXe siècle, les côtes atlantiques sont la cible de nombreuses attaques de la marine anglaise. Le commerce maritime est perturbé par cette présence ennemie. De nombreuses fortifications sont sorties de terre depuis la construction de l’arsenal de Rochefort. En complément, Napoléon ordonne la construction de fortins sur le territoire de notre village. L’un est situé à la Motte Grenet, les deux autres sur la pointe du Chay, à la Belette au sud, et à la Barbette au nord. Ils sont idéalement positionnés au bord de la falaise pour surveiller et défendre la région. Des milices garde-côtes assurent cette mission, assistés des hommes valides du village. Ce service est obligatoire mais souvent pauvrement armé.
ℹ️ Lire aussi : La Motte Grenet


Aujourd’hui, il n’existe plus de traces réellement visibles de ces deux fortins. Seuls les vestiges du mur de l’Atlantique sont encore bien solidement ancrés dans ces lieux même si l’érosion poursuit patiemment son œuvre destructrice. Je vous invite à lire mon article consacré aux défenses mises en place sur Angoulins par les allemands à partir de 1940.
ℹ️ Le lien de cet article : le mur de l’Atlantique
Les écluses à poissons et les marais salants
Les écluses à poissons, aussi appelées pêcheries, sont assez connues dans notre région, notamment celles des îles de Ré et Oléron. Habitant auparavant cette dernière, j’ai eu l’occasion d’en voir certaines, patiemment restaurées par des bénévoles.

Le principe de pêche est simple : à marée descendante, les poissons sont dirigés vers le fond de l’écluse côté mer et sont pris au piège dans un panier métallique appelé « bourgne ». Une pêche efficace et souvent quantitative !
Ici à Angoulins, il en existait tout le long de la côte. Le panier a d’ailleurs laissé son nom à deux lieux marins au large de Saint-Jean-des-Sables, la « Petite Bourgne » et la « Grande Bourgne ». Ces écluses ont aujourd’hui été détruites par les marées.
L’exploitation du sel à Angoulins est avérée depuis l’âge des métaux. Deux sites de production de sel protohistoriques ont été découverts par les archéologues. Les marais salants du Chay, tels que nous les connaissons aujourd’hui, ont été façonnés à l’époque gallo-romaine. Cette production est donc très ancienne, elle a fait la richesse de maisons religieuses et de riches propriétaires fonciers, souvent de La Rochelle, parfois d’ici.
À l’époque de l’impôt sur le sel, la gabelle, recouvrée du XIVe siècle jusqu’à la Révolution, l’exploitation est contrôlée par le roi puis par les Douanes, à tel point qu’entre le bourg et la pointe du Chay, il n’existe qu’une maison, celle des Douaniers, visible encore aujourd’hui sur la bien nommée route de la Douane.
Le déclin arrivant au XIXe siècle, la bienfaitrice huître remplace petit à petit le sel, les salines étant appropriées à l’affinage final.
ℹ️ Lire aussi : le sel et l’huître (article à venir)



Un lieu de promenade privilégié
Pour les amoureux de la nature, les cheveux dans la brise (je suis tranquille !), la pointe du Chay se parcoure facilement à pied. Un nouveau sentier inauguré en 2018 permet sa découverte. La zone est heureusement peu urbanisée, les maisons se comptent sur les doigts d’une seule main. Quelques terrains pour camper, quelques cabanes, voilà tout.
De très beaux pontons de pêche reconstruits après la tempête Xynthia s’agrippent à la pointe de la Belette. Au bout de la plage de la Platère, la base nautique d’où sont sortis de grands champions et championnes. La base gère aussi un ponton à des fins pédagogiques. Sans oublier un bar restaurant en face de la plage et des campings au Chirats.
Ce cadre malheureusement n’est pas aussi idyllique : la forte érosion de l’océan, conjuguée à d’autres phénomènes, grignote la falaise du Chay d’un à 70 centimètres par an, le plus fortement du côté de la pointe de la Belette.
Puisse la nature rester raisonnable et nous laisser admirer encore longtemps ce paysage !

Documentation
Site internet de la mairie d’Angoulins
Géoportail, AD17, Wikipédia
L’INPN, Institut National du Patrimoine Naturel
Jean Joguet (1917-1987), travaux de recherches historiques sur Angoulins